Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre XXVIII
XXVIII
Elle fut réveillée par
l'eau qu'un rafleur venait de lui jeter à la figure. Il lui fallut
quelques instants pour reprendre ses esprits. Elle tenta de se relever
d'un bond, mais son corps n'était que douleurs et ses mains étaient
entravées dans son dos. Un rafleur la saisit sans ménagement, la
relevant brusquement. Une violente douleur à la tête et aux côtes
faillit lui faire perdre conscience. Le rafleur la plaça face à Xartak.
Le guerrier était sérieusement blessé à la cuisse et à l'épaule. Les
plaies étaient à vif et il était, lui aussi, maintenu par deux hommes,
les bras attachés dans le dos. Halbair se plaça entre les deux rebelles.
Un éclair zébra le ciel, l'orage revenait.
— Vous ne me facilitez
pas la tâche. Vraiment. J'ai des orques dans la nature, des hommes morts
et des profits qui vont commencer à ne plus compenser mes pertes... Je
vais donc devoir vous expliquer des choses et vous avez intérêt à
comprendre. Il n'est plus question qu'un lézard m'échappe encore. À la
moindre tentative, je tue l'un des vôtres. Et pour bien me faire
comprendre, je vais commencer maintenant.
Il passa derrière Xartak.
— De toute façon, cette vieille carne ne vaut rien.
Il dégaina son poignard. Litak réalisant ce qui allait se passer ne put s'empêcher de crier :
— Non ! Ne le tue pas ! Je ne recommencerai plus !
— Tiens donc, cette chose sait parler ! Fort bien, maintenant, elle va comprendre !
Il trancha la gorge de Xartak, lentement, avec un sourire malsain. Visiblement, il y prenait du plaisir.
— Non ! Je suis désolée Xartak, je ne voulais pas que tu meures !
Le vieux guerrier s'écroula au sol, dans un gargouillis d'agonie.
— Ne le sois pas, aujourd'hui, je meurs comme un guerrier, en protégeant les miens... Adieu mes a...
Tout était fini. Litak, en pleurs, s'était effondrée sur ses genoux. Halbair s'approcha d'elle.
— Puisque tu sais parler, je te le dis, la prochaine fois que tu tentes
de t'enfuir, je tue un rejeton sous les yeux de sa mère.
Il fit signe à l'homme qui la maintenait toujours. Celui-ci la redressa et Halbair reprit :
— Maintenant que tu as compris le message, je vais faire en sorte que tu comprennes qui commande ici.
Il la frappa, encore et encore, le bruit des coups se fondant dans celui du tonnerre.
Elle
ne comprenait pas, elle ne sentait aucune douleur. Elle baissa les yeux
et vit une étrange créature maintenue par un rafleur, alors qu'un autre
homme la frappait. Tout près de là, elle reconnut Xartak gisant dans
son sang et elle comprit. C'est elle qui était frappée encore et encore.
Mais pourquoi voyait-elle la scène de l'extérieur. Elle aperçut Siléa,
pieds et poings liés. Elle avait malheureusement été rattrapée et
semblait désespérée. Elle s'en rapprocha.
— Je suis désolée, je voulais tellement que vous puissiez vous échapper.
La jeune orque ne répondit pas, mais elle semblait surprise, comme si elle avait assisté à quelque chose d'improbable.
— Oh Litak, je te remercie pour ce que tu as fait pour moi. Je suis désolée de ce qui t'arrive. Tu ne mérites pas ça.
Près
de là se trouvait Manouba. Elle voulut lui demander pourquoi elle était
à deux endroits à la fois, mais l'ancienne se contenta de lui dire :
—
Tu n'es pas responsable de la mort de Xartak, c'était son choix et il
est mort avec honneur. Tu n'y es pour rien ! Je t'en prie, ne pars pas,
reviens avec nous !
Malgré
cela, elle voulait savoir ce qu'il était advenu des fuyards. Un chemin
lumineux parcourait la montagne depuis l'emplacement des prisonniers.
Elle décida de le suivre. Elle se déplaçait si vite qu'elle avait
l'impression de voler. Il faisait nuit, mais étrangement, elle y voyait
aussi bien qu'en plein jour. Elle suivit un petit ruisseau jusqu'au
corps d'un rafleur. Elle s'attarda quelques instants, pour constater
qu'il avait été tué par un objet tranchant, et elle se souvint avec
surprise du petit couteau de Farabert. Elle reprit son chemin, contourna
un petit éperon rocheux et trouva une petite grotte. Elle y pénétra et y
trouva tous les fuyards, même Lazaée qu'elle avait crue reprise par les
rafleurs lorsqu'elle l'avait entendue crier. Kratak, le frère de Lazaée
semblait monter la garde, armé d'une épée. Elle se demanda comment il
l'avait récupérée.
Elle voulut leur parler, mais personne ne
l'entendait. Mélina berçait Apallog, qui semblait l'observer dans tous
ses mouvements. Litak passa tout près de lui, déposa un baiser sur son
front. Il gazouilla, ferma les yeux et s'endormit. Elle sortit de la
grotte, ne sachant que faire. Elle observa le paysage quelques instants.
Derrière elle, les sommets acérés déchiraient le ciel nocturne. Devant,
une vallée encaissée, parcourue par le ruisseau qu'elle avait suivi
pour venir jusque-là. Plus loin, au bout de la vallée, le grand lac de
Valfond, comme un miroir où se reflétaient les étoiles. Sur sa droite,
derrière elle, elle le savait, se trouvaient les Belles Landes. Elle
jeta un coup d'œil dans cette direction. Tout n'y était que froid et
obscurité. Elle fut surprise de frissonner. Plus loin, sur sa droite, un
point de la montagne semblait lumineux, plus lumineux encore que la
piste qu'elle avait suivie pour venir jusqu'ici. Elle se dirigea donc
vers cette lumière. Elle traversa la petite vallée, survola un petit
éperon rocheux et arriva enfin au pied d'une falaise. La lumière venait
d'en haut. Lorsqu'elle parvint au sommet, elle se retrouva sur un petit
plateau. Là, elle vit les guerriers du clan et des soldats endormis.
Elle trouva rapidement son père et s'en approcha. Elle tenta de lui
parler, mais elle ne parvint même pas à le réveiller. Elle hurla, mais
rien n'y fit.
Dépitée,
elle se posa au sol et se mit à pleurer, cherchant un moyen de prévenir
Corg de la situation des captifs. La lueur qui diffusait du plateau
s'intensifia. Elle releva la tête et s'aperçut que la source de cette
lumière provenait de Sharle. Il était entouré d'un halo lumineux qu'elle
eut l'impression d'avoir déjà vu. Elle s'approcha de lui, tenta de le
réveiller, sans succès. Elle posa sa main sur son bras et le décor
changea en un instant. Elle n'était plus sur ce plateau, mais au bord du
lac de Valfond, près de la hutte de Sharle. Étrangement, la forêt,
certains sommets et la rive opposée du lac étaient flous. Il était là,
en train de remettre une bûche sur le feu. Elle l'appela. Il releva la
tête.
— Litak ? Que fais-tu ici ?
— Je crois que je suis entrée dans ton rêve.
Il était surpris.
—
Étrange. Il me semblait que je devais aller à ta recherche. Mais
puisque tu es là, ce n'est plus la peine. Tu veux une galette ?
Elle comprit qu'elle était dans son rêve et qu'elle aurait beaucoup de
difficultés à en prendre le contrôle. Dépitée, elle baissa la tête,
prête à repartir. Il s'en aperçut.
— Qu'y a-t-il ? Tu as l'air triste.
—
Je crois que tu le sais, le clan a été attaqué par des rafleurs. Tu es
avec mon père et les guerriers et vous êtes venus à notre secours. Je
t'en remercie.
Il la regarda, stupéfait. Puis, le décor changea à
nouveau, ils se retrouvaient sur le petit plateau. Seul l'environnement
immédiat était net.
— Il faut que tu saches, nous nous sommes
arrêtés un peu plus loin pour la nuit. Certains d'entre nous se sont
enfuis, ils sont cachés dans une petite grotte. Je pense qu'ils sont
sauvés. Halbair, le chef des rafleurs semble craindre que vous ne nous
rattrapiez, mais vous n'avez pas pris le même chemin que nous.
— Montre-moi où vous êtes.
Elle lui prit la main et ils firent le chemin à l'envers. Ils
retournèrent à la grotte des fuyards, puis elle le conduisit au
campement des rafleurs. Deux créatures gisaient au milieu du camp. Un
guerrier plutôt âgé qu'il avait rencontré lorsqu'il avait rendu visite
au clan le mois dernier. Il était mort, la gorge tranchée. Il s'aperçut
que l'autre corps n'était autre que Litak. Elle était étendue face
contre terre et respirait faiblement. Les autres orques étaient
terrorisés, certains pleuraient. Les petits se serraient contre leurs
mères. Tous regardaient Litak et Xartak. Boulena voulut s'approcher de
Litak, mais elle fut repoussée du pied. L'homme voulut la frapper et
Sharle voulut s'interposer, mais l'homme le traversa. Un jeune homme en
haillons arrêta le rafleur.
— Si tu les abîmes, ils marcheront moins vite demain.
L'autre sembla réfléchir, puis il fit demi-tour.
Farabert
se pencha délicatement sur Litak. Il la redressa, lui donna de l'eau,
mais elle ne réagissait pas. Il semblait inquiet pour elle.
— Je suis désolé.
Il la porta vers les orques et leur donna son outre.
Sharle se tourna vers Litak.
— Qui est-ce ? Il ne se comporte pas comme les autres.
Litak s'aperçut que le jeune homme portait toujours son petit couteau et qu'il était blessé au bras.
—
Il s'appelle Farabert, je ne sais pas qui il est, mais j'ai
l'impression qu'il n'aime pas les autres rafleurs et qu'eux le
méprisent. Il est le seul qui nous ait donné de l'eau ce soir.
Plusieurs fois, il a empêché des rafleurs de nous faire du mal. Cette
nuit, pendant que Xartak et moi tentions de retenir le plus de rafleurs
ici, j'ai cru qu'il était allé poursuivre ceux qui s'enfuyaient. Mais il
est revenu ici blessé, un homme est mort dans la montagne et Kratak a
une épée. Alors, je ne sais pas trop quoi penser de lui, mais il n'est
pas mauvais comme les autres.
Sharle
fit le tour du campement. Il compta vingt-trois hommes et reconnut
Halbair. Il l'avait déjà croisé durant la guerre et n'avait jamais
apprécié cet homme. Un peu plus loin, trois cadavres de rafleurs,
probablement tués durant l'évasion.
Litak s'approcha de son corps. Elle se tourna vers Sharle.
— Je dois te laisser.
Il sembla s'inquiéter.
— Je dois me réveiller.
Il sembla soulagé.
— Nous nous reverrons bientôt. Nous ne vous abandonnerons pas.
Elle toucha son corps et fut aspirée à l'intérieur. Il eut le temps de la voir secouée de spasmes avant d'ouvrir les yeux.
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