Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre XXIX
XXIX
Il se réveilla
brusquement, surpris par l'intensité de ce rêve étrange. Un mouvement
attira son attention. Les orques étaient, eux aussi, réveillés et Corg
semblait de bonne humeur.
— Ma fille est en vie ! Elle a encore rêvé trop fort !
Sharle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire par là.
— Nous autres les orques, nous ne rêvons pas. Vous les humains, si,
mais cela n'est pas gênant, vous ne faites généralement pas de bruit en
dormant. Litak est à moitié humaine. Elle rêve et parfois, elle rêve si
fort que tout le clan le sent.
Il fit le sourire de celui qui se souvient d'une bonne anecdote.
— Une nuit, lorsqu'elle était petite, elle a fait ce que Manalia
appelle un cauchemar. Tout le clan s'est réveillé. Quelqu'un donnait
l'alerte ou souffrait, personne ne le savait vraiment. Les guerriers se
sont précipités sur leur hache, prêts au combat, les mères étaient
paniquées. Et puis Litak s'est réveillée tranquillement et tout s'est
arrêté. Elle nous a simplement demandé ce qui se passait et pourquoi
tout le monde faisait autant de bruit au milieu de la nuit. Peu de temps
après notre arrivée dans ta vallée, elle a à nouveau rêvé si fort que
tout le clan a cru que nous étions attaqués par une armée immense. Cette
nuit encore, elle a rêvé trop fort. Elle ne doit pas être trop loin si
nous l'avons entendue.
Les propos de Corg intriguaient Sharle. Le
rêve qu'il venait de faire lui semblait bien trop réel pour n'être qu'un
rêve, mais il ne pouvait pourtant s'agir que d'un rêve.
— Et quand elle rêve, tu peux comprendre de quoi elle rêve ?
— Non, mais je peux simplement savoir si c'est un beau rêve ou un cauchemar. Je n'ai jamais accès aux détails.
— Et là non plus, tu n'as pas vu ce dont elle rêvait ?
— Non, pas plus que d'habitude. Mais pourquoi ces questions ?
— Je crois que j'ai vu le rêve de ta fille... C'était très étrange, un
peu comme si elle était venue jusqu'ici pour me parler...
— Tu as parlé avec ma fille ? ...
— Je ne sais pas, ce n'était peut-être qu'un simple rêve, mais il avait l'air si réel...
Corg était dubitatif.
— Et que t'a-t-elle dit ?
Sharle ne savait pas s'il devait croire ou non à ce qu'il avait vu, mais il pouvait toujours en parler.
— Ce n'est probablement qu'un rêve, mais certains auraient pu s'évader
et se seraient cachés dans une petite grotte. Litak se serait battue
contre les rafleurs et un vieux guerrier l'aurait aidée. Il serait mort
maintenant. Et ta fille ne va pas bien. Le chef des rafleurs lui a fait
payer cher la fuite des autres.
Corg semblait ne pas y croire.
— Et tu penses que c'est possible ?
— Je n'en sais rien, c'est trop étrange... Mais cela semblait si réel...
Ils
mangèrent rapidement et se remirent en route. Pour descendre du
plateau, ils utilisèrent à nouveau les cordes. Cette fois-ci, Urog passa
en premier, afin de pouvoir l'assurer plus facilement. Tous arrivèrent
en bas sans encombre et ils descendirent la petite vallée durant une
bonne partie de la matinée. Le trajet se faisait sans encombre et Sharle
continuait de s'interroger sur son rêve de la nuit, cherchant le détail
qui lui permettrait de faire la différence entre réalité et
imagination. Mais si tous les détails dont il se souvenait étaient
plausibles, ils pouvaient tous être tirés de ses expériences passées.
Même Halbair, cet ancien lieutenant de l'armée d'invasion de Garmond,
qui écumait les champs de bataille pour piller les cadavres et qui avait
fini la guerre en essayant de capturer les compagnes et les enfants des
guerriers orques tombés au combat pour en faire des esclaves.
Pouvait-il se fier aux informations que lui aurait données Litak, ou
bien n'était-ce que ses angoisses de la journée passée qui s'étaient
manifestées en rêve ?
La mi-journée ne lui avait apporté aucune réponse. Il décida donc de se fier à son rêve. Il était conscient que ce n'était pas rationnel, mais Corg avait bien dit qu'il avait perçu le rêve de sa fille et ce qu'il y avait vu corroborait son hypothèse de la veille : les rafleurs voulaient passer par la vallée du torrent des dents.
Ils
escaladèrent un nouveau col, sans grande difficulté. Arrivés en haut,
ils surplombaient le torrent des dents. Ils firent une halte pour se
désaltérer et manger leurs dernières provisions. Sharle envoya un
éclaireur vers l'amont, avec la consigne de ne se faire repérer à aucun
prix.
Après une courte pause, ils longèrent la crête vers l'aval. Le
soleil jaune commençait à décliner lorsqu'ils arrivèrent à un
embranchement. D'un côté, la crête rocheuse se poursuivait jusqu'au lac
de Valfond, de l'autre, elle menait à un petit pic qui obstruait la
vallée que le torrent contournait.
Sharle consulta Urog et Corg.
— Que pensez-vous de cet endroit pour leur tendre une embuscade ?
Urog semblait être favorable à cette idée.
— On
peut les bloquer devant eux avec des rochers après le virage, et
préparer des rochers à faire tomber derrière eux lorsqu'ils y seront
engagés. Ils ne verront le piège qu'une foi tombés dedans et ne pourront
plus nous échapper. C'est un bon endroit.
Corg était aussi de cet avis, mais il émit une réserve.
— Le seul problème, c'est que nos compagnes et nos enfants seront piégés, eux aussi, au milieu des combats.
Darlak s'approcha, suivit de Martog.
— Si nous séparions les nôtres des rafleurs en faisant tomber les rochers, cela limiterait les risques.
— Mais il faudrait pouvoir être certains qu'ils soient groupés et que les rochers ne leur tombent pas dessus.
— Je peux me charger de ça. Répondit Sharle.
Le reste de l'après-midi fut consacré à la préparation du piège et malgré l'activité, Sharle ne pouvait chasser l'image de Litak gisant au sol. Si Halbair était bien le chef des rafleurs, le pire était à craindre. Cet homme était sans pitié, prenait plaisir à tuer et était rusé.
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