Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre XXVII

 

XXVII

— Je suis le Hurleur.
Les orques reçurent l'information comme un coup de masse. Soudain, Urog explosa et se leva d'un bond :
— Quoi ?!
Les soldats ne comprenaient pas cette soudaine tension. Par réflexe, ils portèrent la main à leurs épées, sans toutefois les dégainer. Passé le moment de surprise, Corg et Martog se levèrent aussi, mais pour tenter d'arrêter le colosse.

Je suis le Hurleur.
Sharle semblait serein, d'un calme absolu, ce qui déstabilisa Urog.
Mais le Hurleur ne se battra plus aux côtés des Belles Landes. Ce temps est révolu.
Urog semblait se calmer un peu.
Mais comment est-ce possible ? Les hommes ne savent pas parler !
Je sais, mais comme vous avez appris à parler avec nous, j'ai appris à communiquer avec les orques. Ma mère est morte lorsque j'étais encore un bébé. Mon père ne souhaitant pas prendre de nouvelle épouse m'a confié à une orque exceptionnelle du nom de Wanuka. Elle m'a appris à communiquer comme les orques.

Un soldat inquiet du silence qui venait de tomber sur le groupe se permit d'interpeller Sharle :
— Mon seigneur ?
— Tout va bien, ne t'inquiète pas.
Il fixa Urog qui acquiesça et se rassit. Le colosse prit un moment de réflexion.

Je m'étais juré de tuer le Hurleur. Il nous a fait perdre la guerre aussi sûrement que le Général. Martog nous répète sans cesse que les humains de Valfond sont différents des autres et les légendes que nous connaissions à ton sujet le confirmaient, mais je n'ai jamais accepté notre défaite, d'avoir été refoulés jusqu'au grand fleuve, comme un troupeau de glapis laineux. Mais l'ennemi d'hier est à nos côtés aujourd'hui et je regrette de t'avoir offensé.
Tu ne m'as pas offensé et je te le répète, je n'ai jamais été l'ennemi des orques. Quant à votre défaite, je n'avais pas le choix, mais j'ai toujours insisté auprès de mes soldats pour que vous soyez traités avec honneur. Vous avez libéré vos terres, nombre d'esclaves et surtout, les seigneuries ont appris à vous craindre. Aujourd'hui, elles savent ce dont vous êtes capables et elles ne se lanceront plus à la légère contre vous.
Corg souhaitait avoir d'autres précisions.
Pourquoi n'as-tu pas franchi le Grand Fleuve pour nous envahir, pourquoi as-tu libéré Hekox et pourquoi as-tu protégé Imanéa et son fils au bord du fleuve ?
Je ne voulais pas que les orques soient humiliés par une défaite, je ne voulais pas qu'une victoire entraîne une nouvelle guerre par esprit de revanche.
J'ai eu l'occasion de parler avec Hekox lorsqu'il était mon invité. C'est la traîtrise de Centre Monde durant la première guerre des clans qui a motivé Hekox. Il s'est construit sur l'idée de revanche et la bêtise des hommes lui a donné l'occasion de réaliser sa vengeance.
Je voulais éviter ça à tout prix. Il fallait donc que Hekox et les siens vivent libres et que ma victoire ne soit pas votre défaite. Ce sont les conditions que j'ai posées à Garmond pour prendre la tête de ce qui restait de son armée
.

Les orques voyaient enfin la guerre qu'ils avaient menée aux côtés de Hekox sous un nouveau jour et bien des mystères venaient d'être révélés. Urog lui-même modifia son point de vue sur ce qu'il avait vécu.
Je suis désolé. Durant cette guerre, je voulais que mon clan reprenne sa place au sein des clans et pour cela, je voulais que nous soyons de toutes les batailles, de toutes les victoires. J'ai pris notre défaite à Pont des Landes et notre retraite jusqu'au Grand Fleuve comme un terrible échec, d'autant que nous n'avons pratiquement jamais combattu pour tenter de vous arrêter. Chaque fois que nous pouvions établir une ligne de défense, nous entendions le Hurleur et rien ne pouvait le faire taire, puis les hommes apparaissaient au loin et, toujours toi, dans ton armure blanche, monté sur ton speedrun. Et à chaque fois, nous reculions sans combattre.
Les guerriers se souvenaient trop bien de la bataille de Pont des Landes, comment nous avons failli être écrasés. Aucun ne voulait revivre ça. Et à chaque fois, je me jurais qu'un jour, je tuerais le Hurleur.
Maintenant, je comprends. Tu voulais nous repousser, pas nous écraser. Tu voulais préserver les vies, dans les deux camps et tu voulais permettre la paix...
Comment pourrais-je tuer quelqu'un qui s'est si peu comporté en ennemi.

Il fixa Sharle.
Litak a tenté de me le faire comprendre il y a quelques jours : tu n'es pas plus notre ennemi que le clan de la Rivière Rouge qui nous a chassés de notre territoire. Elle avait vu juste. Tu aurais pu nous prendre nos terres, nos vies, mais tu ne l'as pas fait. Plus encore, tu nous as rendu nombre de ceux que nous pensions morts au combat ou réduits en esclavage, ce que personne d'autre n'avait jamais fait avant toi, pas même les orques.
Il se leva, s'approcha de Sharle et lui tendit la main.
Tu nous as accueillis sur tes terres, alors que nos semblables nous ont chassés des nôtres. Aujourd'hui, je le dis, tu n'es pas notre ennemi et considère que tu es des nôtres, un membre d'honneur du clan de la Forêt Sombre.
Sharle se leva à son tour, serra la main du colosse, qui lui fit une accolade chaleureuse, mais si ferme qu'il aurait pu lui briser les os.

Les guerriers se levèrent à leur tour, levèrent le poing vers le ciel et lancèrent un cri de guerre. Les soldats, qui n'avaient pu suivre la conversation, se levèrent à leur tour, la main à l'épée, ne sachant ce qui se passait.
Sharle les rassura.
— Ce n'est rien, je suis désormais membre d'honneur de leur clan.
Les soldats se détendirent et fêtèrent l'événement avec les guerriers.

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