Les cendres de Tirwendel - Chapitre XXXVIII

 

XXXVIII

Naëwen avançait dans la brume du matin. Elle marchait vers la forêt interdite, le royaume des elfes. Vers son destin. Elle ignorait totalement ce qu'elle trouverait de l'autre côté de la frontière. La mort probablement. Mais bien que cette idée la terrifiât, elle savait qu'elle n'avait pas le choix. Non pas à cause des soldats qui l'escortaient, mais parce qu'elle ne pouvait rester indéfiniment étrangère au destin de son peuple. La présence de Rulna à ses côtés était rassurante. La naine, bien que d'un caractère profondément individualiste, s'était toujours montrée loyale, vaillante et finalement attachante. Néanmoins, après ce que les elfes avaient fait au peuple nain, Naëwen avait de lourds scrupules à l'impliquer dans cette aventure.

Lorsqu'ils arrivèrent à la lisière de la forêt, le colonel Bourone s'adressa à elle :
— Mademoiselle Naëwen, pour la suite du voyage, je vous accorde une escorte de quatre soldats, qui vous accompagneront jusqu'à Nelandir.
Tilou estima cette "escorte" un peu légère :
— Seulement quatre ! Ils seront là pour assurer sa sécurité ou pour être certains qu'elle ne revienne jamais à Vertpré ?
Le colonel lui répondit avec la plus grande honnêteté :
— Il va de soi que ces soldats ne pourront en aucun cas affronter une troupe de trolls. Il leur faudra voyager en toute discrétion. Leur mission est avant tout d'observer, et de rentrer pour rendre compte. Néanmoins, ils sont tous les quatre valeureux et volontaires pour cette mission et je ne doute pas un instant qu'ils mettront tout en œuvre pour protéger Mademoiselle Naëwen aussi longtemps que durera leur mission.
Il s'inclina respectueusement devant l'elfe :
— Je ne suis malheureusement pas en mesure de faire plus pour vous.
Tilou ne comptait pas en rester là :
— Si jamais la situation était sans espoir pour elles, auraient-elles le droit de revenir chercher asile dans notre royaume ?
Le colonel ne s'était manifestement pas attendu à une telle question. Il prit quelques secondes avant de répondre :
— En tout état de cause, si tel devait être le cas, je conseillerais de ne pas revenir à Vertpré. Le gouverneur Pallon ne me semble pas disposé à accorder asile à un elfe. En revanche, un autre gouverneur, celui de Pont-des-Elfes par exemple, pourrait probablement se montrer moins hostile à cette idée.
Tilou hocha la tête. L'officier se tourna ensuite vers Rulna :
— En ce qui vous concerne, mademoiselle, tant que mes semblables vous prennent pour une enfant, vous pouvez vous déplacer en sécurité dans notre royaume. Je vous conseille néanmoins de vous y montrer discrète.
La naine s'inclina brièvement :
— Merci pour votre offre.
Rulna paraissait étrangement indifférente et déterminée à la fois et Tilou eut l'impression que Rulna n'avait pas l'intention de revenir un jour. Qu'avait-elle donc en tête ?

Le colonel jeta un coup d'œil vers la forêt, puis il se tourna vers Naëwen :
— Mieux vaut ne pas tarder. Mes hommes ont remarqué des traces de passage de trolls. Il ne faudrait pas que l'un d'entre eux puisse vous repérer.
— Nous partons sur le champ.
Elle se tourna vers Tilou :
— Merci pour tout, je ne sais pas si je pourrais un jour acquitter ma dette envers toi.
Il lui prit les mains en lui souriant :
— La question ne se pose pas. Je vous accompagne.
Naëwen sembla paniquer :
— Non ! Tu ne dois pas m'accompagner ! Je te dois déjà la vie, je ne peux accepter un tel sacrifice de ta part !
Rulna poursuivit avec dédain :
— Tu sais que tu vas te faire tuer. Alors pourquoi veux-tu risquer ta vie ? Après-tout, ce n'est pas ton combat.
— Je ne sais pas ce que je trouverai au bout du voyage, mais je sais ce que je perds en restant ici.
La façon dont le jeune homme regardait l'elfe le rendait pathétique aux yeux de la naine :
— Ah ces grands dadais ! Pas un pour relever l'autre !
Elle se dirigea vers la forêt :
— Allez, en route, on a du chemin à faire !
Tilou et Naëwen lui emboîtèrent le pas, suivis par les quatre soldats. Ils allaient franchir la lisière des arbres lorsqu'un bruit de cavalcade se fit entendre. Rulna se retourna et le sourire qu'elle afficha suscita la curiosité du jeune forgeron qui se retourna à son tour. Alnard venait d'arriver. Il descendit de cheval et courut vers eux :
— Vous n'oseriez quand même pas partir sans moi ? Qui veillerait sur vous en terre inconnue ?
La naine s'offusqua :
— Je suis tout à fait capable de les protéger !
Il arriva près d'eux :
— Oui, mais qui s'occupera de toi si je ne suis pas là ? Tu te mets toujours dans des situations impossibles.
Tilou était heureux de retrouver son ami :
— Qu'est-ce qui t'a décidé finalement ?
— Tu ne sais pas te battre, Naëwen est convalescente, et Rulna est une véritable tête brûlée... Comment comptez-vous vous en sortir sans moi ?
Il se retourna vers le village :
— Et surtout, il n'y a rien pour moi ici. Je ne suis plus le bienvenu dans la garde, je n'ai aucune envie de cultiver la terre, quant à Isbelle... Enfin bref ! En route vers Nelandir !

Naëwen avait décidé de faire un détour pour atteindre Nelandir. Elle craignait en effet que le chemin direct ne soit fréquenté par les trolls. Ils croisèrent plusieurs pistes dont tout indiquait qu'elles étaient fréquentées par ces créatures. Dès-lors, leur progression devint extrêmement prudente. Alors qu'ils approchaient de la frontière, l'elfe releva soudain la tête, l'air inquiète :
— Cachez-vous ! Vite ! Et couvrez-vous de terre pour masquer vos odeurs !
Ils s'éloignèrent immédiatement du chemin, se faufilant dans les buissons. Quelques instants plus tard, une dizaine de trolls apparurent de l'autre côté de la rivière. Ils s'engagèrent dans l'eau, profitant du gué et poursuivant leur route vers l'ouest. Tilou put entendre quelques bribes de conversation :
— ... combien de cités...
— ... monstres cracheurs de feu...
— ... retrouvera jamais cette elfe... cachée là-bas...
Il se tourna vers Naëwen qui avait entendu la même chose :
— J'ai bien l'impression qu'ils te cherchent. Pourquoi ?
Elle haussa les épaules en signe d'ignorance.
Lorsque le silence fut revenu, ils s'approchèrent de la rivière. L'elfe s'excusa auprès de ses compagnons de voyage :
— J'aurais dû me douter qu'ils passeraient par ici. C'est le seul gué des environs.
Le sergent Tolkert s'approcha d'elle :
— Combien de trolls allons-nous croiser avant d'arriver à Nelandir ?
— Ils étaient quelques centaines lorsqu'ils nous ont attaqué, mais c'est la première fois que je reviens ici depuis ce jour-là, alors je ne sais pas.
— Et pourquoi vous cherchent-ils ?
— Mon père est le prince de Nelandir. Peut-être veulent-ils se servir de moi pour obtenir quelque chose. Mais son pouvoir est très limité. En dehors de notre cité, il n'est qu'un elfe comme les autres.
Le soldat observa l'autre berge :
— Bon ! Ne restons pas ici. Je ne tiens pas à ce qu'une autre patrouille de trolls ne nous surprenne au milieu de l'eau.
Joignant le geste à la parole, il s'engagea dans la rivière. Ses hommes le suivirent et Naëwen leur emboîta le pas. Alnard s'apprêtait à les suivre, lorsqu'il réalisa qu'ils avaient laissé de nombreuses empreintes dans le sable. N'importe quel troll pourrait remarquer qu'elles ne venaient pas de l'un d'entre eux et ce serait rapidement la fin de leur incursion en territoire elfique. Il arracha une branche feuillue et se mit en devoir d'effacer leurs traces, lorsqu'il remarqua que Rulna était restée là, immobile, les yeux fixés sur l'eau :
— Tu viens ?
Elle se tourna vers lui, comme si elle sortait d'un mauvais rêve :
— J'arrive, pas de quoi s'énerver !
Elle s'engagea prudemment dans l'eau s'appliquant à rester à côté du jeune soldat. Lorsque l'eau froide lui arriva à la taille, la respiration de la naine se fit plus rapide, presque haletante. Alnard lui jeta de rapides coups d'œil. Elle était livide, comme cette nuit où, en hypothermie et affamée, elle avait failli être dévorée par les loups. Il s'inquiéta pour elle :
— Ça va ?
Elle ne répondit pas, se contentant d'avancer en silence. L'eau lui arriva bientôt aux épaules et elle se figea, fixant Naëwen qui se trouvait quelques mètres devant elle. Lorsque l'elfe atteignit la rive, Rulna se remit en marche, retenant sa respiration. Lorsqu'elle atteignit enfin la berge, elle s'écroula à genoux. Le groupe s'était déjà engagé sous les arbres pour se mettre à couvert, mais la naine resta là, comme si elle peinait à reprendre son souffle. Alnard l'aida à se relever et, tout en lui frottant le dos pour tenter de la réchauffer, il la guida vers le reste du groupe puis il retourna effacer leurs traces à l'aide d'une branche feuillue. Lorsqu'il les eut rejoints, le sergent Tolkert le remercia :
— Nous aurions dû y penser nous-même. Nous sommes impardonnables. La moindre erreur pourrait s'avérer fatale.
Alnard ne voulait pas le laisser dans l'embarras :
— La seule chose qui compte, c'est que nous ne nous fassions pas remarquer. Le reste... N'en parlons plus.
Il s'approcha ensuite de Rulna qui avait retrouvé des couleurs :
— Ça a l'air d'aller mieux. Tu as réussi à te réchauffer.
La naine le fixa sans comprendre. Il précisa :
— Cette eau était très froide, je comprends que tu aies pu t'engourdir.
Il fouilla dans son sac et en sortit un morceau de viande séchée :
— Je comptais garder ça pour plus tard, mais comme nous ne risquons pas de faire du feu avant longtemps, je pense que maintenant, ça te fera du bien.
Elle lui répondit avec un sourire gêné :
— Merci. Cette eau était vraiment froide, tu as raison.

Tilou et le sergent attendaient que Naëwen leur indique le chemin à suivre. Elle observait attentivement le sol de la forêt :
— Nous ne pouvons pas prendre le chemin direct. Les traces montrent que de nombreux trolls passent par là.
Un des soldats observa le sol :
— Comment savez-vous que ce sont les trolls et pas d'autres elfes ?
Elle lui montra les branches au-dessus de lui :
— Nous passons le plus souvent par le haut, et – elle prit une petite branche brisée à hauteur de ses épaules – nous évitons d'abîmer les arbres.
Elle pointa son doigt vers l'est :
— Ils doivent surveiller les accès à Nelandir depuis cette frontière. Nous allons donc par là, puis, nous bifurquerons pour arriver d'une direction à laquelle ils ne doivent pas s'attendre.

Naëwen fondit en larmes lorsqu'ils arrivèrent en vue de Nelandir en fin d'après-midi :
— Qu'ont-ils fait de notre cité ?
Tilou ne comprenait pas de quelle cité elle parlait. Il n'avait face à lui qu'une forêt, avec des arbres immenses à perte de vue, mais pas la moindre construction, pas de route, rien qu'il ne put identifier comme une ville. Le sergent lui fit lever les yeux vers le plus grand des chênes. Certaines branches, étrangement disposées, éveillèrent sa curiosité. Il finit par comprendre que la cité était dans l'arbre. Les bâtiments n'étaient pas faits de pierre comme chez les humains, mais avec les branches de l'arbre, dont certaines avaient été guidées, tissées entre elles pour en faire des abris, des logements, des dépôts.
À bien y regarder, il comprit que la cité arbre avait été saccagée, brûlée par endroit, déchiquetée à d'autres et rares étaient les loges encore intactes.
Un mouvement attira son attention à proximité de ce qui paraissait être la plus grande alcôve de l'arbre, sur l'une des branches maîtresses, à mi-hauteur. Malgré la distance, il distingua très nettement un troll. Il se baissa instinctivement tout en poursuivant son observation.
Il réalisa enfin qu'il n'avait observé que des trolls. Il s'en inquiéta auprès de Naëwen :
— Je n'ai pas vu un seul elfe. C'est normal ? Combien de personnes vivaient ici avant l'arrivée des trolls ?
— Environ neuf cents.
— Où sont-ils passés ?
Elle semblait sur le point de s'écrouler :
— Si les trolls ont fait la même chose que dans les autres cités qu'ils ont attaquées, ils ont tué les adultes et emporté les enfants.
— Tous les adultes ?
Son regard embué de larmes fut sa seule réponse.

Rulna s'approcha :
— Désolée de vous interrompre, mais nous ferions mieux de nous cacher. J'ai vu une dizaine de trolls descendre de l'arbre. J'ai bien l'impression qu'ils partent en patrouille et je n'ai pas vraiment envie qu'ils nous tombent dessus.
Naëwen essuya ses larmes d'un revers de manche peu princier et pointa un petit bosquet :
— Il y a une petite grotte cachée derrière les buissons par là. Je pense que nous y serons à l'abri.
Elle les conduisit jusqu'à un buisson épineux, écarta quelques branches et se glissa dans une petite ouverture à peine plus large que les épaules de Tilou. Rulna s'y engagea à son tour, se faufilant avec aisance entre les branches épineuses. Elle était manifestement déçue par l'endroit : :
— C'est pas une grotte, c'est tout juste un trou ! Les nains vivent dans des grottes et des cavernes, pas dans des endroits comme ça. Il n'y a même pas de source d'eau !
Naëwen s'irrita :
— Nous vivons dans les arbres, pas sous terre ! Je suis désolée que ce ne soit pas assez confortable pour toi, mais c'est tout ce dont nous disposons pour l'instant !
Réagissant au quart de tour, comme à son habitude, Rulna allait lancer une attaque cinglante, mais Alnard qui venait d'entrer dans la petite cavité souterraine, posa une main sur son épaule pour l'en dissuader :
— Elle vient de réaliser que tous ceux qu'elle a connus, sa famille, ses amis, sont morts. Je pense qu'elle n'a pas besoin de la colère d'une naine, mais du soutien d'une amie.
Le regard de feu de Rulna s'apaisa. Elle s'approcha de Naëwen :
— Je suis une naine. Nous sommes des gens irascibles... Je suis désolée. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
L'elfe la serra contre elle et se mit à pleurer sur son épaule. Alnard vit une lueur de panique dans les yeux de la naine qui ne savait pas quoi faire, ni comment. Elle se contenta alors de serrer Naëwen à son tour, avec toute la douceur dont elle pouvait être capable et d'attendre qu'elle se reprenne.

Lorsque ses yeux se furent asséchés, le sergent s'approcha de Naëwen :
— Je crois que nous en avons assez appris. Nous profiterons de la nuit pour rentrer, mais vous, que comptez-vous faire maintenant ?
Il eut d'abord l'impression qu'elle avait le regard vide puis son visage s'illumina :
— Je dois me rendre à Tirwendel. Le roi doit apprendre ce qui s'est passé ici. Mais avant, je dois aller chercher quelque chose.
— Où ça ?
Son regard était déterminé, presque dur :
— Dans la salle du conseil de Nelandir.
Le sergent jeta un coup d'œil vers la sortie de la grotte, vers l'arbre-cité :
— Mais votre ville est infestée de trolls ! C'est de la folie !
— Peut-être, mais c'est vital. Il s'agit du sceau de mon père. Celui qui le détient pourrait prétendre au trône de Nelandir. Il ne doit à aucun prix tomber entre de mauvaises mains.

Ils quittèrent leur cachette au milieu de la nuit et, alors que les quatre soldats entreprirent leur voyage de retour, Naëwen guida ses compagnons vers ce qui ressemblait à priori à l'entrée d'une nouvelle petite grotte :
— C'est par là que je me suis enfuie de Nelandir. C'est étroit, mais praticable. Il nous faudra pourtant être extrêmement silencieux. Les trolls connaissent l'existence de ce passage.
Elle se glissa la première, suivie de Rulna, de Tilou et de Alnard. Les deux jeunes hommes réalisèrent rapidement qu'il devait être bien plus aisé de quitter la ville par là que d'y entrer. Le boyau, creusé dans le bois de l'arbre, serpentait en montant depuis une racine vers les branches. Tilou murmura :
— Ce ne sont pas les elfes qui ont creusé cette galerie, n'est-ce pas ?
— Non, c'est un ver géant, un parasite. L'animal est mort depuis longtemps, mais les quelques galeries qu'il a creusées nous sont bien utiles, alors nous les entretenons.
Après une longue et éprouvante ascension, ils aperçurent enfin la sortie de cet étrange tunnel.
Naëwen se tourna vers eux en murmurant :
— Je n'en ai pas pour longtemps. Attendez-moi ici, je reviens.
Elle passa la tête dans une étroite ouverture, avant de reculer précipitamment :
— Deux trolls !
Elle risqua un nouveau coup d'œil :
— C'est bon, ils dorment.
Elle allait s'engager lorsque Rulna l'arrêta :
— Laisse-moi y aller, c'est moi la voleuse, j'ai l'habitude de ce genre de situation.
Elles se regardèrent en silence pendant quelques secondes, puis l'elfe s'écarta pour laisser passer la naine :
— D'accord. Le sceau est rangé dans une petite loge, dans la paroi en face de nous. L'ouverture est trop étroite pour des mains de troll. Toi, tu devrais pouvoir le prendre, mais sois prudente.
Rulna lui sourit :
— Les nains sont toujours prudents, du moins... à notre façon
Elle se glissa au travers de l'ouverture et se dirigea vers le sceau comme un félin, d'un pas feutré et silencieux. Elle dut contourner l'un des trolls, vautré devant la paroi. Passant devant un arc magnifique et son carquois, accrochés au mur, elle prit le risque de sauter pour les attraper. Retombant silencieusement, elle progressa vers la loge du sceau qui était un peu trop haute pour elle. Rulna dut se hisser sur la pointe des pieds pour pouvoir glisser sa main dans la petite ouverture. Après quelques secondes de tâtonnement, elle parvint à saisir le petit objet, se retourna en affichant un sourire de victoire.
Alors qu'elle contournait le troll endormi à ses pieds, celui-ci se retourna et la fit tomber sur lui. Paniquée, elle se releva pour s'enfuir, mais le troll était maintenant réveillé. Il la rattrapa par la cheville, la fit tomber à nouveau sans pour autant la lâcher. En se débattant, elle lui asséna un violent coup de pied sur les doigts, mais malgré la douleur, il ne relâcha pas sa prise, bien au contraire. S'emparant de l'un de ses petits couteaux, elle parvint à lui trancher la gorge, puis elle courut vers le passage secret, que le second troll, réveillé par les bruits du bref combat, vint lui interdire. Il parvint à l'attraper et commença à la broyer entre ses deux mains. La naine se débattit comme un beau diable, mais le troll la tenait à bout de bras et ses violentes ruades ne frappaient que dans le vide.
Elle commençait à suffoquer lorsque Alnard bondit hors du passage, épée à la main et tua le troll d'un coup d'estoc. Il aida la naine à se dégager, puis il la soutint pour regagner le boyau. À moitié inconsciente, elle n'avait pourtant pas lâché le sceau qu'elle tendit à Naëwen avec un grand sourire :
— Comme ça, ces affreux n'auront pas conquis tout Nelandir !
Elle lui donna aussi l'arc et les flèches :
— Et avec ça, tu pourras leur faire regretter ce qu'ils ont fait !
L'elfe le prit avec beaucoup de respect :
— C'est l'arc de mon père. Il lui a été donné par le roi en personne lorsqu'il est devenu Prince de Nelandir.
Naëwen serra la naine quelques secondes contre elle, avant de s'engager dans la descente du boyau :
— Ne traînons pas, ils vont vite comprendre ce qui s'est passé, et je tiens à être loin d'ici quand ça arrivera !

La descente fut bien plus rapide que la montée, mais bien plus mouvementée aussi. Tilou et Alnard se cognèrent plusieurs fois à l'occasion des nombreux virages et des descentes vertigineuses.

Lorsqu'ils se retrouvèrent à l'air libre, Naëwen proposa de se diriger vers le cœur du royaume pour y trouver de l'aide. Alnard s'y opposa :
— Mais tu nous as dit que les trolls vivaient dans les lointaines steppes du nord. S'ils sont venus jusqu'ici, c'est que tout ton royaume est tombé entre leurs mains, tu ne crois pas ?
— C'est bien probable, mais je n'ai aucune certitude. Peut-être que Tirwendel tient encore. Il faut que j'en aie le cœur net.
Alnard n'était pas d'accord :
— C'est de la folie.
Rulna se tourna vers lui :
— Tu as dit que tu n'abandonnais jamais tes amis. Naëwen n'a aucune chance de survivre à ce voyage sans nous.
Alnard fixa la naine, curieux. Il y avait une surprenante pointe de supplique dans son regard. Elle semblait vraiment se soucier de l'elfe, ce qui ne ressemblait guère à son caractère farouchement individualiste. Avait-elle à ce point changé depuis Meetamis ?
Elle avait pourtant raison. Naëwen ne parviendrait jamais jusqu'à Tirwendel seule :
— Elle n'a pas beaucoup plus de chance d'y arriver avec nous non plus.
Il se tourna vers l'elfe :
— Alors ? C'est par où ?

 

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