Litak du clan de le Forêt Sombre - Chapitre XVIII

 

XVIII

Litak ne supportait plus cette sensation d'angoisse, qui grandissait en elle depuis que les chasseurs étaient partis. Était-ce à cause de ces nuages d'orage qui commençaient à recouvrir la vallée ? Elle tentait de continuer son travail, versant de l'eau sur la terre pour en faire une boue pâteuse qu'elle répandrait sur le toit de la construction, mais elle avait une furieuse envie de hurler pour prévenir le clan d'un danger. Zanéa ne disait plus rien, car son amie ne répondait plus aux blagues ni aux questions. Litak releva la tête et chercha Bratog du regard. Ce qu'elle vit lui glaça le sang. Le chef avait stoppé son activité. Il tenait sa hache en mains et guettait au loin. Lui aussi devait sentir le danger.

Litak voulut prévenir son amie, mais elle vit quelque chose d'étrange s'envoler, près d'un buisson. Elle observa attentivement et, lorsque la chose commença à retomber, elle comprit. Elle hurla « Bratog ! Attention ! » Le chef releva la tête, surpris, mais ne vit pas la flèche piquer sur lui. De désespoir, elle hurla « Non ! ».
La flèche sembla dévier légèrement et vint le frapper à la cuisse. Il s'écroula à genoux, la main portée à sa blessure.
Puis, l'enfer se déchaîna. Des dizaines d'hommes se ruèrent sur le camp, venant de tous les côtés. Garnox se précipita sur sa hache et tua le premier imprudent qui passait à sa portée, Bratog faisait face à cinq autres rafleurs qui restaient prudemment à distance.

Passé le moment de stupeur, Litak décida qu'il fallait tenter de fuir, mais lorsqu'elle se tourna vers Zanéa, cette dernière poussait un cri de terreur. Elle venait d'être capturée par deux rafleurs. Litak, armée de son bâton à fouir, se rua sur eux. De toutes ses forces, elle abattit son arme improvisée sur le crâne du premier. Un bruit sinistre d'os brisé et l'homme s'effondra. Dans la foulée, elle frappa l'estomac du second avec le bout de son bâton. L'homme se plia de douleur et Litak le frappa violemment du pied au visage. Il s'effondra à son tour, nuque brisée. Litak hurla à Zanéa de fuir, d'aller chercher les chasseurs, mais cette dernière était figée. Elle observait son père qui luttait, submergé par le nombre.

Litak gifla son amie.
Il faut fuir ! Il faut aller chercher les chasseurs !
La fille du chef reprit enfin ses esprits et elles coururent vers la forêt.
Elles étaient sur le point de quitter le village, lorsque Litak vit trois rafleurs encercler un groupe d'enfants dont les mères étaient entravées par des filets. Litak cria à Zanéa :

Cours ! Va chercher des secours, je te rejoins plus tard !
Puis, elle chargea les rafleurs, essayant de se souvenir du conseil de Sharle : « Seul le fou combat dans la colère. Le sage reste maître de lui pour être maître de son adversaire. » Elle se concentra sur les trois hommes et sur leurs intentions. Le premier fut tué, nuque brisée par le bâton, le second eut le nez brisé. Le troisième bloqua le bâton sous son bras. De sa main libre, il serra le cou de Litak pour l'étrangler, un sourire de victoire sur les lèvres. Elle sentait son sang battre ses tempes, ses oreilles bourdonnaient. La panique menaçait de l'envahir, mais le conseil du Général restait dans son esprit. Elle saisit sa dague et la planta dans l'estomac du rafleur. Son sourire se figea et elle lut la surprise dans son regard. L'instant d'après, il gisait dans son sang.

Litak tentait de reprendre ses esprits et son souffle. Elle se précipita pour libérer les mères et elle leur ordonna de fuir, d'emmener les enfants dans la forêt. Elles ne se le firent pas dire deux fois, prirent leurs enfants et coururent vers l'aval. Litak allait les suivre, mais d'autres hommes les poursuivaient déjà et elle savait que les enfants ne pourraient pas leur échapper. En revanche, elle pouvait tenter de les retarder.

Elle saisit la pique d'une de ses victimes, se cacha derrière une hutte et fit le vide en elle. Elle allait probablement mourir, mais étrangement, cela lui importait peu. Elle devait à tout prix permettre aux enfants de fuir. Ils étaient l'avenir du clan et nul doute que Sharle saurait les recueillir si besoin était. Sharle... Elle eut une dernière pensée pour lui. Comme elle aurait aimé le connaître mieux... Elle cria un adieu orque, puis elle affermit sa prise sur la pique. Les hommes approchaient. Elle les sentait. Lorsqu'elle estima que le premier était assez près, elle se jeta en travers de sa route, pique pointée vers lui. Il n'eut pas le temps de l'esquiver et vint s'empaler dessus, les yeux horrifiés. Litak peina à dégager son arme, mais elle y parvint avant d'esquiver la première attaque. Cinq hommes lui faisaient face. Ils suintaient la colère et l'excitation de la chasse. Ils se placèrent autour d'elle. Au moins, les enfants auraient maintenant l'occasion d'aller se cacher dans la forêt. Son objectif étant atteint, elle se jura de vendre chèrement sa vie. Tous ses sens en éveil, elle comprit que les hommes ne l'attaquaient pas tout de suite, car ils l'observaient, surpris qu'une femelle leur tienne tête et surpris plus encore par sa nature métissée. Celui qui lui faisait face harangua ses compagnons.
— Qu'est-ce que c'est que cette chose immonde ?
Litak trouva la question saugrenue dans la bouche de cet homme-là. Il était sale, hirsute, le visage mangé par une barbe négligée, une verrue sur la joue.
— J'en sais rien, mais j'aime pas ça. L'a tué l'brav' Joby. Mérite de crever.
— Ouais ! On va lui faire la peau !
Elle ne se retourna pas, mais elle perçut que le dernier intervenant s'approchait par derrière. Elle le frappa de toutes ses forces avec la hampe de sa pique. Il s'écroula, le souffle coupé. Elle pivota rapidement et le frappa si violemment du pied qu'il roula au sol, inconscient.
Et ce fut la ruée. Ils se jetèrent sur elle tous ensemble. Ils étaient trop nombreux pour qu'elle puisse analyser leurs intentions. Elle cessa donc de penser et laissa la part animale en elle s'éveiller. Elle tenta de les repousser avec sa pique, frappant, aussi vite que possible.
L'un d'eux parvint à la saisir par derrière, la soulevant et la serrant si fort dans ses bras noueux qu'elle ne parvenait plus à respirer. Elle redressa violemment sa crête et lui cassa le nez. Il poussa un cri de douleur, mais ne la relâcha pas, au contraire.
— Je vais te buter sale monstre !
Il resserra sa prise au point que Litak crut qu'il allait lui briser les os. Elle se détendit, baissa la tête en avant. Elle perçut un sentiment de victoire chez son agresseur. Elle releva à nouveau sa crête et projeta sa tête violemment en arrière. Elle sentit l'une de ses pointes osseuses pénétrer la chair. Il hurla de douleur et la relâcha aussitôt. À peine les pieds au sol, elle bondit tête la première dans l'abdomen de celui qui lui faisait face et lui coupa le souffle. Elle se redressa. Seuls deux hommes lui faisaient encore face. Ils semblaient hésitants devant une telle furie. Elle pointa sa pique vers eux, redressa sa crête, montra ses dents dans un rictus qu'elle tenta le plus effrayant possible et elle marcha vers eux, d'un pas lent et assuré. À sa grande surprise, ils reculèrent. Elle eut envie de les charger pour les faire fuir, mais elle souhaitait aussi fuir, se mettre en sécurité. Elle tenta alors une feinte. Elle courut sur trois pas en criant aussi fort qu'elle pouvait. L'un d'eux fit volte-face et s'enfuit, l'autre recula si vite qu'il en perdit l'équilibre. Elle le tua avec sa pique.

Elle fit demi-tour et commença à courir vers la forêt, heureuse de s'en être malgré tout sortie. Un éclair fendit le ciel, suivit juste après par un terrible coup de tonnerre.
Un homme cria « Stop ! » loin derrière elle. Elle n'y fit pas attention et continuait de fuir. Soudain, un violent coup derrière la tête et un bruit de pierre qui tombe au sol. Le paysage se mit à tourner autour d'elle. Litak s'écroula. Elle vit des pieds approcher. Elle reçut un violent coup de pied à l'estomac qui lui coupa le souffle. Une main la souleva par sa tunique, sans qu'elle puisse résister.
— Tu m'as coûté assez cher comme ça. Tu vas venir avec nous. On verra bien ce qu'on peut faire de toi.
Elle vit encore un poing se lever puis s'abattre sur son visage avant l'obscurité.

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