Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre IX

 

IX

L'automne était arrivé, il ne restait plus que quelques huttes à bâtir et Zanéa ne supportait plus de rester au campement à longueur de journée. Elle commençait à se sentir à l'étroit autour du lac et voulait découvrir ce nouveau territoire. Manouba qui connaissait bien la jeune orque avait malicieusement regretté devant tout le clan l'absence de ses baies préférées et Zanéa avait saisi l'occasion pour s'offrir un de ces moments de liberté dont elle avait tant besoin. Les constructions étant sur le point d'être terminées, les réserves de nourriture pratiquement prêtes pour l'hiver, elle avait donc fini par convaincre son père de la laisser aller chercher des frouges, car personne n'en avait encore trouvé. Manouba, peut-être plus encore que les autres orques, adorait ces petites baies rouges et sucrées et tout le monde adorait Manouba. Bratog avait fini par céder, mais il avait imposé à sa fille de ne pas y aller seule.

Litak appréciait cette promenade avec Zanéa. Elle savait bien que son amie voulait échapper un peu à l'ambiance d'urgence permanente qui régnait au village, où il fallait tout préparer avant l'hiver qui promettait d'être rude dans cette vallée de haute montagne. Habitations, réserves de bois, provisions de nourriture, tout était à faire et le temps était désormais compté.

Litak s'amusait de voir son amie courir de gauche à droite, semblant plus occupée à profiter de cette liberté passagère qu'à remplir la mission qu'elle s'était assignée.
Ça fait longtemps qu'on cherche et nous n'avons encore rien trouvé, il va falloir songer à rentrer maintenant.
Oh, ne fais pas ta rabat-joie, il est encore tôt !
Mais les guerriers ont exploré toute la vallée et même ce balourd de Mallog saurait reconnaître un buisson de frouge.
Mallog n'est pas balourd ! Il est parfois distrait, c'est tout.
Litak se mit à rire.
Surtout lorsque tu es près de lui...
Si Zanéa avait été humaine, elle aurait rougi.
Mais de quoi tu parles ?
Oh, tout le clan sait que vous vous tournez autour tous les deux et j'ai bien vu que vous avez l'air aussi idiots l'un que l'autre quand vous êtes ensemble.
La jeune orque savait que son amie disait vrai, mais elle ne l'aurait admis pour rien au monde. Après tout, c'était à Mallog de se déclarer et elle n'était pas censée manifester de l'intérêt pour lui avant cela. Le problème, c'est qu'elle était fille de chef et que le jeune prétendant devait être digne d'elle. Comme il venait juste d'être accepté comme guerrier, cela pouvait encore prendre du temps.
Et si nous essayons de l'autre côté de cette colline ?
Elle montrait l'éperon rocheux. Son amie, sachant que les guerriers n'étaient pas encore partis en exploration au-delà de la vallée, trouva cette proposition inquiétante.
Mais, personne n'est encore allé voir là-bas, nous ne savons pas ce que nous y trouverons, ni qui !
Ne t'inquiète pas, on jette un coup d'œil et s'il y a quoi que ce soit de plus dangereux qu'un tripuk, on fait demi-tour, d'accord ?
D'accord, juste un coup d'œil.
Litak n'était pas particulièrement craintive, mais Zanéa était la fille du chef et elle-même ne serait jamais qu'au rang le plus bas dans le clan. S'il arrivait quoi que ce soit à son amie, personne ne le lui pardonnerait.

La colline s'avéra plus haute et plus ardue à escalader que ce qu'elles avaient imaginé, mais arrivées là-haut, elles profitèrent d'une vue merveilleuse sur les deux vallées, sur le grand lac en aval et plus loin, de l'autre côté de l'étendue d'eau, elles devinèrent une cité humaine derrière ses puissants remparts. Litak se souvenait des paroles de Martog, le soir de leur arrivée dans la vallée.
Voilà donc cette Valfond dont parlait Martog.
Ça en a l'air en tout cas.
Soudain, Zanéa pointa le lac du doigt.
Là, regarde un bateau humain sur le lac !
Un petit voilier naviguait sur le lac entre la cité et leur vallée. La lumière du soleil jaune se reflétait sur sa voile blanche, la rendant éclatante. Elles restèrent là quelques instants à observer l'embarcation, jusqu'à ce qu'elle vire de bord et ne se dirige vers la rive opposée du lac. La présence d'hommes si près de leur camp était suffisamment inquiétante pour qu'elles décident d'en informer Bratog dès leur retour.

Durant leur descente vers la nouvelle vallée, elles trouvèrent un petit ruisseau d'eau claire et fraîche. Elles se désaltérèrent et le suivirent vers l'aval. Elles traversèrent une petite forêt, tous les sens en alerte, mais ne rencontrèrent que du petit gibier, qui fuyait devant elles. Litak remarqua quelques plantes intéressantes, mais il y en avait déjà dans leur vallée. Elle mémorisa tout de même l'emplacement, au cas où.
Un petit animal évoluant dans un arbre lui fit lever le regard et elle se figea sur place.

Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as vu le Hurleur ou quoi ?
Elle se contenta de pointer l'arbre du doigt :
Qu'est-ce que c'est ?
Litak se décida enfin à parler :
Mon père m'en a parlé, c'est une flèche, une arme humaine.
Mais qu'est-ce qu'elle fait là ? Elle est bien trop haute pour faire du mal à un orque !
Je ne sais pas. Elle doit être ici depuis longtemps, regarde, le bois est tout piqué par la moisissure. Mais cela signifie que des hommes sont déjà venus ici.
Je n'aime pas ça.
Moi non plus. Nous ferions mieux de rentrer et d'en parler à ton père.
Non, nous n'avons rien trouvé, nous n'allons quand même pas rentrer les mains vides, pendant que les autres auront travaillé dur toute la journée. On continue, on va voir ce qu'il y a après cette forêt.
Mais on ne s'attarde pas à découvert. Si on ne trouve rien, on rentre tout de suite.
Zanéa s'était déjà remise en marche comme si la mission qu'elle s'était imposée était de la plus haute importance pour le bien du clan.
D'accord, mais tu l'as dit toi-même, cette flèche est là depuis longtemps. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter vraiment.
Litak pensait que peu importait depuis quand cette flèche était arrivée là, le simple fait qu'elle y soit démontrait que des hommes venaient par ici et, qu'ils soient de Valfond et non hostiles comme le prétendait Martog, ou pas, elle ne tenait pas à en rencontrer.

Lorsqu'elles parvinrent à l'orée du bois, elles trouvèrent tout un bosquet de frouges au bord du ruisseau. Fière de leur trouvaille, Zanéa lança un regard à son amie qui signifiait « Je te l'avais bien dit ! » Elle commença aussitôt la cueillette.
Constatant l'abondance de fruits, Litak décida de tresser un plus grand panier et elle s'éloigna vers des plantes aquatiques aux longues feuilles, qui seraient parfaites pour cela. Litak, tout à sa tâche, s'amusait de voir son amie manger autant de baies qu'elle n'en cueillait pour le clan. Elle eut vite achevé son ouvrage, qui ne nécessitait pas d'être d'une grande qualité, mais simplement de résister au trajet de retour. Elle le donna à Zanéa qui commença à le remplir et Litak décida d'en tresser un second.

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