Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitres LXXXI à LXXXIV

 

 LXXXI

Sharle et ses soldats étaient complètement submergés. Il savait qu'ils étaient entraînés pour se regrouper et résister en se protégeant mutuellement, mais il doutait que les orques de Mont Noir aient la même idée. Il n'avait cependant guère le temps de s'en préoccuper, car il faisait face à cinq ou six rafleurs. Il en élimina trois sans difficulté, repoussa le quatrième d'un violent coup de pied à l'estomac, suivi d'un coup de taille sur le cinquième, le blessant seulement, mais l'obligeant à rompre le combat. De nouveaux adversaires lui firent face sans tarder et parmi eux, un homme de grande taille, cheveux poivre et sel en catogan.
— Tu es fini Valfond ! Tes renforts arriveront trop tard !

LXXXII

Corg progressait, il était soutenu à sa droite par Urog et à sa gauche par Bratak. Les hommes résistaient, mais l'étroitesse du chemin les empêchait de profiter de leur nombre. Ils étaient condamnés à mourir sous les coups de hache et ni leur hargne, ni leur expérience du combat ne pourrait changer l'issue du combat. Un nouveau coup de cor retentit, très proche. Corg abattit sa hache sur un homme, puis il releva la tête pour observer ce qui se passait sur ses arrières. Il vit alors un rafleur juché sur un rocher, qui s'apprêtait à frapper Sharle par derrière avec une longue pique. À cet instant, Siléa effectua un tir de fronde et toucha l'homme à la tête. Il s'écroula et tomba aux pieds du Général qui se battait contre Halbair. Sharle, gêné par le corps, tomba et Halbair se prépara à le tuer. Corg était trop loin et dans l'impossibilité de lui venir en aide.

Litak vit Sharle tomber. Halbair s'approcha et elle sut qu'il allait le tuer. Sans réfléchir, elle courut vers le rafleur. Elle se jeta sur lui, le poussant dans le précipice. Emportée par son élan, elle ne put se rétablir. Elle lança un dernier regard vers Sharle et bascula dans le vide. Sharle tendit la main vers elle, mais il ne put la rattraper.
— Non !

LXXXIII

Sharle se pencha vers le ravin. Il vit Litak rouler le long de la pente et tomber dans le torrent. Elle remontait de temps en temps à la surface au gré des vagues et des remous. Il enjamba le parapet et commença à descendre aussi vite qu'il le pouvait vers le torrent.

Corg avait vu avec horreur sa fille tomber dans le vide. Il crut un instant que tout s'arrêtait là, il n'avait plus de raison de se battre, il avait échoué à sauver Litak. Puis, il vit Sharle s'élancer lui aussi dans le ravin et une lueur d'espoir lui réchauffa le cœur. Il se battit avec encore plus de hargne et très vite, les derniers hommes furent vaincus. Il se précipita à son tour au bord du gouffre et ce qu'il vit acheva de l'anéantir. Sharle dévalait la pente au risque de se tuer et Litak semblait avoir disparu sous l'eau. Elle remontait de temps en temps, mais Corg savait qu'elle ne survivrait pas. Aucun orque ne pouvait survivre à une chute dans l'eau. Sharle se jeta à son tour dans l'eau et nagea tant bien que mal vers Litak. Le courant les emportait rapidement loin de lui et il se surprit à se demander pourquoi un futur chef humain risquait sa vie pour sa fille.

LXXXIV

Sharle nageait comme il pouvait dans cette eau glacée. Il parvenait à peine à respirer et il ne voyait plus Litak. Le courant l'emportait toujours plus loin et il tentait d'éviter de heurter les rochers qui affleuraient. Parfois cependant, il venait percuter des blocs immergés qu'il n'avait pas aperçus. Il voulait sauver Litak, mais il ne luttait que pour survivre, sans même savoir ce qu'il était advenu de la petite métisse.
Il lui semblait qu'il était dans l'eau depuis une éternité lorsque le courant se calma. Les gorges s'élargissaient, la pente se faisait plus douce et il put enfin prendre pied. Il se releva, cherchant Litak du regard. Mais, environ cinquante mètres devant lui, il n'aperçut que Halbair, qui se tenait penché, les mains dans l'eau. Des remous incongrus au milieu d'une eau calme lui permirent de comprendre. L'homme au catogan tentait de noyer Litak qui luttait pour se maintenir en surface.

Sharle se précipita et lorsqu'il fut suffisamment près du rafleur, il l'entendit rire comme un dément. Litak avait cessé de lutter, mais il la maintenait toujours sous l'eau, les mains comme des serres autour de son cou. Sharle dégaina sa dague et hurla :
— Non !
Halbair ne se retourna pas. Il semblait ne pas avoir entendu Sharle arriver. Il continuait d'étrangler et de noyer Litak.
— Je t'ai dit que je te tuerai ! Meurs sale monstre ! Meurs !
Sharle planta sa dague dans le dos du rafleur qui ne réagit pas. Il la retira et la planta à nouveau, mais cette fois-ci, il dut atteindre le cœur. Halbair s'écroula lentement et Sharle dégagea Litak, la remonta à la surface. Il constata avec horreur qu'elle avait les yeux révulsés et qu'elle ne respirait plus. Elle n'était plus qu'un corps sans vie dans ses bras.