Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre LXXI

 

LXXI

Ayant perdu l'avantage de l'effet de surprise, les rafleurs chargèrent sous les tirs des archers de Valfond. Dès qu'ils furent au contact, plus aucune flèche ne fut tirée sur les rafleurs. Les archers purent néanmoins se tourner vers l'aval et ajuster les soldats des Belles Landes qui avançaient de manière désordonnée. Ils donnaient l'impression de fuir un danger pour se jeter sous les haches de Urog, Corg et Martog. Lorsqu'ils furent au contact, Mallog côté torrent et Bratak côté falaise se ruèrent sur les soldats, accompagnés par quelques orques rescapés de Mont Noir. La surprise fut totale et passé les premiers tués, les hommes des Belles Landes refluèrent dans le désordre. Les orques se regroupèrent et marchèrent sur eux, ajoutant à la panique.

De son côté, Sharle avait fort à faire. Il disposait de moitié moins de bras que ses assaillants et encore, nombre d'entre eux n'étaient pas très vigoureux. Ils s'étaient postés à l'endroit le plus resserré entre la falaise et le précipice, mais même là, ils avaient beaucoup de difficultés à tenir le front et chaque homme ou orque touché ouvrait une nouvelle brèche dans leur défense. La situation devenait désespérée, mais Sharle ne pouvait ordonner le repli tant que Litak ne serait pas en état de se déplacer. Soudain, il entendit un sifflement au-dessus de sa tête, puis un autre et des dizaines, rapidement suivis par des bruits d'impacts. Des rafleurs tombaient, d'autres se repliaient. Sharle eut le temps de se retourner pour voir tous les non combattants en état de bouger lancer des pierres à l'aide de frondes improvisées. Il remercia Bénobog pour son soutien et son idée qui venait de se révéler efficace. Les rafleurs avaient reculé, mais Sharle ne pouvait avancer, d'une part parce qu'il tenait à mettre ses blessés en lieu sûr, d'autre part parce qu'il imaginait fort bien Halbair lui tendre un piège derrière le premier virage.

Bénobog se chargea de porter les premiers secours aux blessés, mais il n'y avait personne pour prendre la relève.

Les frondeurs leur avaient obtenu une trêve, mais Sharle savait qu'elle serait de courte durée. Il se retourna, cherchant Litak du regard. Il la vit, se tenant debout, mais chancelante. Lina et Laïna la soutenaient. Elle semblait faible, mais pas souffrante et il en fut rassuré.

Urog et ses guerriers avaient repoussé les soldats jusqu'au virage, mais ils se rendirent vite compte qu'ils s'étaient réorganisés. Ils faisaient à nouveau face et formaient un mur de boucliers hérissé de lances. Le chef était toujours prostré en arrière, mais son second avait pris la relève et il ne semblait pas vouloir reculer plus loin. Il ordonna la marche en avant et devant cette double rangée de piques acérées, Urog ordonna le repli. Il poussa un hurlement terrible et courut vers l'arrière, au grand étonnement de ses compagnons. Il n'était pas du genre à fuir, bien au contraire et ils se demandaient bien ce qui lui prenait. Ils reculèrent en ordre.

— Écartez-vous !
Ils se retournèrent et libérèrent le passage en un instant : Urog venait de surgir derrière eux, portant un énorme rocher qu'il projeta sur la rangée d'hommes, disloquant le mur et éliminant plusieurs soldats. Le mur se reforma néanmoins et la marée humaine reprit sa marche en avant. Les frondeurs entrèrent alors à nouveau en action, décimant les rangs compacts des soldats. Ces petits guerriers improvisés n'effectuaient pas des tirs de précision, ils n'avaient pas eu d'entraînement pour ça, mais ils effectuaient un tir de barrage, comme l'aurait fait une compagnie d'archers. Malgré leurs casques et leurs cottes de maille, les soldats durent refluer, laissant quelques-uns des leurs, gisant à terre.

Urog ne chercha pas à les poursuivre cette fois. Il se contenta de chercher de nouveaux rochers à leur jeter, imité par les siens.