Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre LXVI

 

 LXVI

La journée était maintenant bien entamée et ils tentaient de rester sous le couvert de la forêt pour ne pas se faire repérer. La menace était double : ils étaient trop nombreux pour passer inaperçus aux yeux des soldats des Belles Landes qui pouvaient patrouiller si près de la frontière et Halbair devait désormais être à leur poursuite.

Urog, qui formait l'arrière garde avec quelques-uns de ses guerriers et des orques libérés armés des épées trouvées dans l'armurerie de Halbair, vint rejoindre Sharle.
Nous avons un problème. Nous n'avançons pas assez vite. Ces gens ont été enfermés depuis trop longtemps. Ils n'ont plus l'habitude de marcher et puis certaines sont sur le point de donner la vie. Grabog essaye d'effacer nos traces, mais il dit que nous sommes trop nombreux. Si Halbair dispose d'un pisteur, il n'aura guère de difficulté pour nous retrouver. Au mieux, Grabog pense pouvoir le retarder, mais ce tripuk finira par nous rattraper.
Sharle réfléchit un instant.
J'en ai bien conscience, mais nous ne pouvons pas les abandonner.
Il n'en est pas question, mais si nous devons affronter Halbair, nous risquons d'alerter les soldats des Belles Landes, ce qui nous mettrait en péril. Tous les orques en âge de se battre sont armés, même les novices, mais ils ont des épées. Ces armes sont trop légères pour des orques et ils ne savent pas vraiment comment les utiliser. Nous ne serons pas de taille.

Sharle prenait réellement conscience de l'aspect désespéré de leur situation. Il ne pouvait pas abandonner tous ces gens après leur avoir demandé de le suivre, mais s'il ne le faisait pas, ils seraient tous rattrapés et nombreux seraient les victimes de la colère du rafleur.
On peut essayer de les tromper.
Urog et Sharle se tournèrent vers Corg.
C'est simple, Grabog continue à effacer nos traces du mieux qu'il peut et pendant ce temps-là, certains d'entre nous vont créer une nouvelle trace qui irait vers le pont à la frontière. Si Halbair se laisse prendre, nous aurons peut-être le temps de rejoindre Valfond par le gué.
Urog sourit.
Excellente idée !
Sharle la trouvait excellente aussi, mais une inquiétude demeurait :
Que deviennent ceux qui créent la fausse piste ?
Corg réfléchit un instant.
Ils devront revenir sur leurs pas quelques instants, puis bifurquer vers le torrent. S'ils remontent vers le gué assez vite en marchant sur les rochers, ils peuvent nous rejoindre sans trop prendre de risques.

Trogak Mallog et Farabert se portèrent volontaires. Darlak n'était pas mécontent de voir le soldat de Valfond s'éloigner un peu de sa fille. Il n'acceptait que difficilement qu'un orque "humanisé" s'intéresse d'aussi près à elle, bien qu'il lui fallût reconnaître la valeur au combat et le bon fond de Trogak. Il dut néanmoins assister aux adieux entre le jeune soldat et Siléa et voyant l'angoisse qui étreignait sa fille à l'idée de le voir s'éloigner, il dut se résoudre à accepter l'idée de revoir souvent Trogak.

Farabert qui connaissait bien la région, devait les guider. Mallog se chargerait d'effacer leurs traces, mais pas trop. Ils se séparèrent et Grabog, après avoir salué son compagnon d'armes, se mit à effacer consciencieusement leurs traces, pendant que la foule des rescapés de Mont Noir reprenait son chemin. Il était aidé par d'anciens chasseurs et ils s'appliquèrent une bonne partie de l'après-midi à tromper Halbair.

La nuit était tombée lorsqu'ils parvinrent au gué. La plupart des orques paniquèrent en comprenant qu'ils allaient devoir traverser le torrent et Urog dut faire preuve de patience et de diplomatie pour les convaincre que c'était là leur seule voie de sortie et que le danger n'était pas insurmontable. Les hommes franchirent le torrent, Sharle en tête, suivis par les guerriers de la Forêt Sombre qui s'immobilisèrent au milieu du passage, afin d'aider les fugitifs à passer. Trogak, Mallog et Farabert purent les rejoindre avant que les derniers ne franchissent le gué. Sharle décida qu'il valait mieux franchir l'éperon rocheux avant le lever du jour, afin de ne pas être repérés par Halbair, qu'il jugeait capable de venir les chercher jusqu'à Valfond. Tous firent un dernier effort et ils purent enfin se reposer lorsqu'ils atteignirent la vallée des dents.

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