Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre LXVII
LXVII
Elle avait fait un rêve
étrange, où Sharle lui parlait, son père la portait et Halbair, dans une
colère noire, les menaçait. Elle ouvrit les yeux, s'étira et elle
constata que de nombreuses personnes la fixaient avec un air soulagé. Il
lui fallut un moment pour comprendre : ils étaient sortis de la
forteresse de Halbair. Corg se précipita vers elle, la prit dans ses
bras et faillit lui rompre les os tant il la serrait contre lui.
— Tu te réveilles enfin ! Je me suis beaucoup inquiété pour toi. Tu as dormi toute la journée d'hier.
Il la relâcha et elle put reprendre son souffle.
— Que s'est-il passé ?
— Nous avons libéré tous les orques prisonniers chez Halbair, nous avons détruit son domaine et nous sommes revenus à Valfond.
Des
souvenirs épars de la bataille lui revinrent. Elle se souvenait surtout
de cette sensation de danger. Tout le reste était vague, comme si
quelqu'un d'autre l'avait vécu à sa place. Et puis, une image s'imposa à
elle :
— Bessilla !
Sharle lui saisit les mains avec douceur :
— Elle est morte, tuée par son esclave après qu'elle m'ait tiré dessus.
— Je me souviens, la flèche. Elle a changé de direction et puis... Plus rien. Après, je ne me souviens de rien.
Bénobog vint à son tour :
—
Tu as dévié cette flèche. Mais tu étais déjà bien fatiguée et ce
dernier effort a épuisé tes dernières ressources. Tu as perdu
connaissance.
Litak s'inquiéta :
— Siléa ? Elle va bien ?
Darlak s'approcha d'elle :
— Oh oui, elle va bien ! Elle m'a parlé de ce que tu as fait pour elle et je dois te remercier d'avoir pris soin de ma fille.
Il ajouta avec une pointe d'amertume :
—
Elle oubliera vite ce qu'elle vient de vivre, mais pas la façon dont
tout s'est achevé. Je crains qu'elle n'ait bientôt plus besoin de son
pauvre père.
— Tu exagères, j'aurai toujours besoin de toi !
Siléa
venait d'apparaître aux côtés d'un jeune guerrier, dont le visage lui
était vaguement familier. Elle était radieuse et il semblait aux anges.
Un autre jeune guerrier se permit une boutade :
— Le fier Trogak est allé sauver la belle Siléa, mais qui le sauvera d'elle ?
Les
rires fusèrent et Litak se laissa emporter par la bonne humeur.
Toutefois, un malaise persistait en elle. Rien ne serait plus jamais
comme avant. Ces événements l'avaient transformée, peut-être bien plus
qu'elle ne saurait l'imaginer et cela l'effrayait. Son regard croisa
celui de Sharle et l'espace d'un instant, elle crut voir dans ces yeux
une raison d'espérer.
Elle
balaya la scène du regard et se sentait étrangère à ce qu'elle voyait.
Tout était trop étrange, les guerriers de son clan qui riaient avec des
hommes en armes, des orques qu'elle ne connaissait pas n'avaient pas
l'air rassurés et d'autres encore qu'elle n'avait jamais vus, portaient
des vêtements qu'elle connaissait pour être ceux de son clan. Et puis au
milieu de cette effervescence d'émotions, un îlot de calme et
d'interrogations. Elle s'aperçut que Bénobog l'observait. Elle prit le
temps de l'observer à son tour. Il était bien plus âgé que tous les
orques qu'elle connaissait, mais elle n'aurait pas su dire à quel point.
Ses yeux étaient sombres, mais son regard était bienveillant. L'une de
ses cornes était brisée aux deux tiers de sa longueur, mais il ne
semblait pas avoir connu les combats, car il ne portait aucune
cicatrice, hormis celles que lui avaient infligées ses chaînes durant sa
captivité. Il était plutôt petit pour un orque, ses membres décharnés
semblaient prêts à rompre au moindre choc et pourtant, tout en lui
inspirait le respect. Non pas comme Urog, par sa prestance physique,
mais justement par la sérénité que l'on pouvait percevoir à son contact.
Elle
savait qu'il s'interrogeait encore à son sujet, mais elle ne percevait
plus l'inquiétude latente qu'elle avait toujours sentie chez lui,
notamment lorsqu'elle évoquait Sharle. Elle supposa qu'ils avaient eu le
temps de faire connaissance.
— Comment te sens-tu ?
Elle
sursauta. Décidément, elle avait du mal à accepter ce genre de
communication par les gammes, alors qu'elle-même maîtrisait désormais
cette technique.
— Je me sens encore fatiguée, mais plus aussi faible que l'autre nuit.
Il
lui semblait qu'un détail avait son importance, mais elle ne parvenait
pas à l'identifier. Quelqu'un bougea devant elle, laissant filtrer le
soleil jaune et le masquant aussitôt, comme si un éclair avait surgi
dans son champ de vision et elle comprit :
— Dis-moi, j'ai commencé à me sentir mal lorsque le bourdonnement s'est arrêté. Sais-tu pourquoi ?
—
Je pense avoir une réponse, mais je n'ai aucune certitude. J'ai demandé
à ton humain s'il savait ce qu'était cette machine dans le sous-sol. Il
m'a dit qu'ils en avaient une semblable près de leur cité. C'était un
générateur d'électricité et cette machine crée un courant électrique
ainsi qu'un champ électromagnétique. Lorsque je lui ai demandé de
m'expliquer ces mots, il m'a dit que cela fabriquait une sorte d'éclair
d'orage, moins puissant, mais continu.
Litak commençait à
assembler les pièces du puzzle. Encore l'orage. Tous ces phénomènes
étranges qu'elle semblait pouvoir contrôler dépendaient de l'orage.
— Je constate que tu commences à comprendre ce qui t'est arrivé cette nuit.
—
Oui, je crois. Si l'orage me permet de faire toutes ces choses, la
machine m'a aussi aidée et lorsque je l'ai arrêtée, je n'avais plus
cette aide.
— Et tu t'es rapidement épuisée.
Elle comprenait la raison de sa fatigue, néanmoins, une question subsistait :
— Mais même lorsque j'ai stoppé la machine, j'ai encore pu faire le voyage de l'esprit et la maîtrise de l'acier. Pourquoi ?
Bénobog prit le temps de la réflexion.
—
L'orage peut t'aider à réaliser ces prouesses. Mais je pense que tu
peux y parvenir par toi-même. La machine ne faisait que t'aider.
— Toute seule ?
Litak n'y croyait guère, mais elle se promit d'essayer à l'occasion.
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