Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre LIII

 

 LIII

Litak était encore venue lui parler cette nuit. Elle avait raconté la roue, la salle aux poignées, les cachots souterrains et puis les rafleurs, odieux et cruels. Plutôt, dans la matinée, ils avaient tous décidé d'agir et ils avaient établi un plan. Litak leur avait fait une description détaillée des lieux et elle leur avait donné des précisions sur les effectifs de Halbair. Sharle avait profité de ces indications pour modifier son plan d'action.

En fin d'après-midi, Sharle était descendu vers le village avec deux archers. Ils avaient vérifié si la clé était toujours à l'endroit où Litak l'avait déposée, puis le Général avait pris un moment pour récapituler son plan avec les deux hommes.
Enfin, ils s'avancèrent au milieu de la place. Ils approchaient de la petite forteresse et s'arrêtèrent devant la porte. Les gardes de faction sur les tours avaient déjà prévenu leurs supérieurs à l'intérieur. Ils patientèrent quelques instants. La lourde porte s'ouvrit, laissant apparaître Halbair et six de ses hommes.
— Valfond ! Qu'est-ce qui me vaut ta visite ?
Il se voulait accueillant, mais Sharle percevait une colère froide chez le rafleur.
— Je viens chercher Litak et Siléa, citoyennes de Valfond que tu as fait enlever sur mes terres. En outre, j'exige que tu me remettes les hommes responsables de ce crime afin qu'ils soient jugés et châtiés.
Le chef des rafleurs semblait réfléchir.
— Je ne connais personne qui porte ce nom.
— Alors, laisse-nous entrer et j'irai chercher ces deux jeunes filles, l'une actuellement obligée d'actionner une roue derrière ces murs, l'autre enfermée dans un cachot au sous-sol.
Halbair ne put masquer sa surprise. D'où ce maudit Valfond pouvait-il connaître ces informations ?
— Je ne sais pas de quoi tu parles Valfond et je ne vois pas pourquoi je te laisserai entrer chez moi !
— Très bien, dans ce cas, je m'en vais à la garnison de Blanche Tour, pour y déposer une requête officielle au commandant Daguert au sujet de tes agissements criminels sur mes terres. Des preuves, j'en ai plus que nécessaire, dont la dépouille de Jodor, ainsi que celle de quelques-uns de tes hommes. J'exigerai ta tête et je l'aurai.

Il marqua une pause afin de laisser le temps à ses paroles de faire leur effet. Halbair savait que Daguert devait sa vie et celle de ses hommes à l'intervention de Sharle, qui avait brisé le siège de la Croisée des Eaux. La ville était à court de vivres et d'eau et les orques menaient un assaut devant ses portes. La garnison savait qu'elle n'avait plus les moyens de repousser les assaillants, mais Garmond avait exigé que tous se battent jusqu'à la mort. Sharle était arrivé à temps et avait obligé les orques à lever le siège, leur épargnant la mort ou pire, une vie d'esclavage.

Halbair savait parfaitement que Daguert accéderait à la demande de Valfond, d'autant plus que les preuves dont il parlait étaient indiscutables. Garmond ne pourrait pas le soutenir si l'affaire venait à se savoir dans les autres seigneuries. Aucun des grands seigneurs ne tolérerait qu'on laisse un trafiquant agir à sa guise sur son territoire. Chacun se souvenait que c'est ainsi qu'avaient commencé les guerres des clans et chacun se souvenait d'être passé trop près de la catastrophe pour ne pas en tirer les conséquences.

Sharle jugea que ses arguments avaient fait mouche.
— Et bien soit, je parlerai de toi au commandant.
Il tourna les talons, imité par ses hommes.
Halbair n'avait plus guère d'option. Il se tourna vers ses hommes :
— Attrapez-moi ces gars-là !
Ils hésitèrent tous
— Mais chef...
— Maintenant bande de crétins !
Il fit un signe à l'un des gardes dans la tour derrière lui. Une sonnerie de cor retenti et une quinzaine d'hommes sortit des habitations, arme au poing.

Sharle et ses soldats étaient encerclés.
— Tu n'iras nulle part, Valfond !
Les archers de Valfond avaient promptement encoché une flèche à leurs arcs et mettaient en joue les rafleurs les plus proches.
Sharle n'avait pas dégainé son épée. Il se contenta de faire signe à ses hommes de baisser leurs arcs.
— J'en ai bien l'impression.
Il semblait si calme que Halbair sut qu'il n'avait pas dit son dernier mot.
— Mais me crois-tu assez stupide pour ne pas avoir pris mes précautions avant de venir te voir ? Si je ne suis pas de retour d'ici à la tombée de la nuit, mes hommes ont ordre de se rendre à Blanche Tour pour prévenir le commandant. Tu es fait comme un tripuk. Ce tour pendable te vaudra la corde sur la place Duquart.

Sharle percevait l'inquiétude qui grandissait chez Halbair. Celui-ci ordonna à l'un de ses subalternes :
— Vous les désarmez et vous me les enfermez séparément.
Puis, il se tourna vers la cour et hurla :
— Tibair, viens ici tout de suite !

Sharle et ses hommes furent conduits à l'intérieur. Il eut le temps de voir Litak et il fut choqué par le spectacle : Elle était couverte de bleus et de contusions. Elle était attachée par les poignets à la roue et ses liens marquaient sa peau. Il la voyait exténuée, au bord de l'effondrement physique, mais dans son regard brillait une lueur de détermination inébranlable.
Il perçut l'un des orques qui actionnait le mécanisme avec elle :

Dites, ce ne serait pas le Général ? Qu'est-ce qu'il fait là ?
Si c'est lui qui devait nous aider, il ne semble pas en mesure de s'aider lui-même !

Sharle décida de le détromper :
Ne t'inquiète pas pour moi. Préviens qui tu pourras de se tenir prêt à mon signal.
L'orque faillit s'arrêter de marcher, mais il fut bousculé par un rafleur.
Mais ! Tu ne peux pas...
Si, mais c'est une longue histoire dont nous pourrons parler plus tard.

Il eut le temps de voir Litak sourire, avant que les gardes ne les conduisent vers les sous-sols. Il sut immédiatement que Litak avait vu juste : le bourdonnement était semblable à celui qu'émettait la centrale électrique de Valfond. Il était bien plus puissant qu'au barrage de sa cité, car il n'était pas isolé. Ici, l'objectif était de gêner les communications entre les orques et à ce qu'il semblait, c'était efficace.

En passant devant une porte, il reconnut Siléa, prostrée au fond de sa cellule.
Siléa ! Est-ce que ça va ?
Elle releva la tête et avant qu'elle ne comprenne qui était l'homme qui venait de lui parler, il était déjà passé.
Sharle ?
Oui, c'est moi. Courage !

Il fut jeté dans un cachot sordide. Lorsque le garde eut refermé la porte, le bourdonnement s'intensifia. Sharle supposa que la fermeture du pêne de la porte dans la gâche devait fermer un circuit électrique, ce qui provoquait le bourdonnement. Il attendit quelques instants.

Lorsque Litak avait décrit le mécanisme, la salle aux poignées et le bourdonnement, il en avait déduit qu'il y avait un générateur d'électricité dans cette enceinte et qu'il fallait le mettre hors d'usage. Un court-circuit serait une bonne solution pour y parvenir. Il avait expliqué ce dont il aurait besoin et Farabert avait pris sur lui de trouver le nécessaire. La matinée et le début d'après-midi leur avait permis de cacher le nécessaire dans leur vêtement et à peaufiner leur plan.

Il se déchaussa, écarta légèrement le cuir de la tige de sa botte et en tira une lame d'acier d'une vingtaine de centimètres de long. De sa chemise, il tira un fil métallique d'environ deux mètres, que Farabert était allé chaparder dans la matinée.

 

 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre LXXXVI

Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre LI