Les cendres de Tirwendel - Chapitre LXII

 

LXII 

Comme souvent, Rulna était partie devant, laissant Alnard et Lak'Mor seuls. Le jeune homme bougonnait silencieusement, mais son attitude n'avait pas échappé au jeune troll :
— Tu as l'air contrarié. Qu'est-ce qui se passe ?
Surpris, le jeune soldat le regarda quelques secondes avant de lui répondre :
— Elle est encore partie seule. Comment veux-tu veiller sur elle si elle se sauve sans arrêt ?
Lak'Mor ouvrit de grands yeux :
— Pourquoi veux-tu veiller sur elle ? Elle est parfaitement capable d'affronter seule un sanglier.
Alnard soupira :
— Deux sangliers et une meute de loups, oui, mais une bande de trolls ? Si j'étais ce Zol'Kor, j'aurais envoyé des patrouilles dans toutes les directions pour retrouver les elfes que nous avons délivrés. Et nous par la même occasion. Il doit y avoir des trolls derrière chaque arbre dans cette forêt !
Lak'Mor pouffa :
— Nous ne sommes pas si nombreux dans cette partie de la forêt. Cent cinquante, deux cents tout au plus. Et les guerriers de Tark'Olg craignent les elfes de Raëlnor. Ils leur ont fait beaucoup de mal. Ils ne se déplaceraient jamais seuls.
— Les guerriers de Tark'Olg ? Et ceux de Zol'Kor ?
Lak'Mor ne souriait plus :
— Je pense qu'ils craignent plus Zol'Kor que les flèches des elfes. Ceux-là seront les plus dangereux. Mais ils sont bien moins nombreux. Il doit en rester une vingtaine au maximum. Avec un peu de chance, Zol'Kor est mort dans le tunnel. Qui pourrait survivre à ce que Tilou et Rulna ont fait là-bas ?
Alnard massa ses côtes encore endolories :
— Espérons.

Lorsqu'ils arrivèrent au bord d'une petite falaise, ils retrouvèrent Rulna, immobile, qui faisait face au vide. Alnard s'approcha d'elle, et, comme elle, il put contempler la forêt et le fleuve en contrebas. Plus loin en aval, sur la berge opposée, il aperçut les rochers des trois sœurs, et au-delà, une vaste prairie d'herbe grasse qui s'étendait jusqu'aux contreforts des montagnes, minces traits déchiquetés, d'un bleu gris qui se détachait à peine du ciel parfaitement dégagé.
Ne comprenant pas ce qui attirait ainsi l'attention de son amie, il demanda :
— Qu'est-ce qu'il y a ?
La naine sursauta, signe qu'elle ne les avait pas entendus arriver, puis elle répondit durement :
— Rien !
Elle se frotta le visage du revers de la manche avant d'ajouter :
— Il n'y a rien !
Puis, elle tourna les talons et s'enfonça à nouveau dans la forêt.
Alnard aurait juré qu'elle avait pleuré, mais elle ne lui laissa aucune chance de le vérifier. Dépité, le jeune homme voulu la rattraper, mais elle s'était déjà faufilée sous le couvert de la végétation. Exaspéré, il frappa une touffe d'herbe du pied :
— Et voilà, elle se sauve à nouveau !
Il regarda dans la direction qu'elle avait prise, soupira et se calma un peu :
— Elle avait l'air... mélancolique.
Lak'Mor le fixa, indécis :
— Je ne comprends pas.
— Elle est triste... Et je ne sais pas pourquoi.
Le jeune homme se tourna à nouveau vers le fleuve, observa le paysage. Il comprit lorsqu'il aperçut l'île-prison en amont, avec son pont de pierres taillées :
— Les nains !
Lak'Mor s'approcha, pensant apercevoir des créatures semblables à Rulna :
— Je ne vois rien...
— Je voulais dire que ce que tu vois, de l'autre côté du fleuve, ce sont les terres de son peuple. Elle les a quittés depuis plusieurs années, et elle n'en a jamais été si proche depuis...
Son estomac se noua lorsqu'il réalisa qu'un jour, elle voudrait rentrer chez elle. Sans s'en rendre compte, il la chercha du regard dans le sous-bois.
Il se tourna vers le troll :
— Viens, on doit la retrouver !

Ils n'avaient fait qu'une dizaine de mètres sous les arbres lorsque la naine apparut devant eux :
— J'ai trouvé des traces de sangliers. Si nous voulons manger ce soir, il va falloir arrêter de rêvasser et capturer une ou deux de ces bêtes.
Alnard la fixa si intensément qu'elle finit par détourner le regard avant de repartir en chasse. Hormis ses yeux, légèrement rougis, rien chez elle ne trahissait plus le moindre signe de tristesse.
Lak'Mor le tira de ses pensées :
— Allez, dépêche-toi ou tu vas encore t'inquiéter pour elle !
Le troll se lança à la suite de Rulna, immédiatement suivit par le jeune homme.
Lorsqu'ils virent enfin Rulna s'immobiliser et se baisser, ils ralentirent l'allure et se firent aussi discrets que possible. Le jeune soldat constata alors avec surprise que Lak'Mor, malgré sa grande taille et son gabarit imposant, était bien plus doué que lui à cet exercice.
Arrivés près de la naine, ils purent observer une petite harde occupée à fouir le sol. En les attendant, la naine avait eu le temps d'étudier la situation :
— Je vais faire le tour et me mettre sous le vent pour les faire fuir vers vous. Tâchez de ne pas les rater !
Sans même leur laisser le temps de répondre, elle se glissa sous les hautes herbes, disparaissant à leur vue.
Constatant à nouveau l'air dépité du jeune homme, Lak'Mor le moqua gentiment :
— Rulna n'est pas aussi fragile qu'elle semble, tu sais. Tu n'as pas à t'inquiéter pour elle, elle est capable d'attraper ces sangliers toute seule.
Alnard fixa le troll comme s'il voulait le sonder :
— Oh, je sais qu'elle est forte et vaillante, mais elle prend souvent trop de risques. Elle y était bien obligée lorsqu'elle vivait seule, mais elle n'est plus seule maintenant. Nous sommes là pour lui venir en aide si nécessaire. Mais elle n'admettra jamais avoir besoin d'aide.
Ils la virent émerger de la masse d'herbes, cachée des sangliers par un tronc d'arbre. Elle se tourna vers eux et, d'un geste qui ne laissait place à aucune discussion, elle leur imposa le silence avant de leur demander de rester cachés. Elle disparut à nouveau dans les herbes aussi soudainement qu'elle en était ressortie.

Alnard fut tenté de se relever pour comprendre ce qui lui arrivait, mais il se ravisa, comprenant que si elle avait perçu un danger, il était préférable de ne pas se montrer. Il commença à ramper vers elle, mais Lak'Mor le retint :
— Non ! Nous pourrions bien la croiser sans nous en rendre compte. Il vaut mieux la laisser revenir et nous retrouver ici.
Le jeune homme fut bien obligé d'admettre qu'il avait raison, mais il ne put se résoudre à la laisser seule face au danger. Après cinq minutes d'attente, n'y tenant plus, il s'apprêta à la rejoindre. Le troll tenta encore de le retenir, mais Alnard lui lança un regard assassin :
— C'est trop long ! Ce n'est pas normal ! Je vais l'aider, avec ou sans toi !
Le troll le regarda calmement, sans pour autant le lâcher, puis, il hocha la tête :
— Je viens avec toi.
Ils commencèrent à ramper lorsqu'ils entendirent une petite voix chuchoter :
— Vous allez aider qui ? Vous auriez quand même pu m'attendre !
Alnard s'approcha d'elle :
— On ne te voyait plus. Tu t'es cachée dans les herbes et plus rien ! Qu'est-ce que tu as vu ?
Elle se recula, surprise par le ton de reproche, avant de se détendre :
— J'ai vu des traces. Des traces d'elfes recouvertes par des traces de trolls. Ce n'est pas bon signe.
Lak'Mor acquiesça :
— Connaissant Zol'Kor, il ne laissera aucun repos à ses guerriers tant qu'il n'aura pas retrouvé Naëwen. Quant à Tark'Olg, notre roi le fera certainement tuer s'il ne retrouve pas ses prisonniers. Les trolls n'abandonneront pas leurs recherches.
La naine mit fin à la discussion :
— Nous verrons ça plus tard. Pour l'instant, il y a des enfants en danger là-bas, nous devons au moins les prévenir. Sans les attendre, elle se remit en marche, retrouva les traces et commença à les suivre, tout en étudiant attentivement l'environnement pour éviter les mauvaises surprises.

Une légère brise vint leur caresser le visage. Elle leva la main en s'immobilisant avant de lever le nez. Elle se tourna vers eux :
— Ils sont là, à une centaine de mètres devant nous, probablement de l'autre côté de cette petite crête.
Lak'Mor les prévint :
— Il ne serait pas raisonnable de nous avancer plus. Nous pourrions tomber sur eux au dernier moment.
Dans un froncement de sourcils inquiet, Alnard demanda :
— Et s'ils avaient déjà trouvé les elfes ?
Le jeune troll le rassura :
— Je crois bien qu'ils les cherchent encore. Ils sont trop silencieux pour avoir mené un combat. Ils les cherchent encore.
Sans les prévenir, Rulna s'avança vers la petite crête en rampant sous les fougères. Lorsqu'il s'en aperçut, Alnard blêmit et tenta de la retenir, en vain.
Lak'Mor le réprimanda gentiment :
— Quand vas-tu lui faire confiance ? Elle sait ce qu'elle fait.
Le jeune homme lui montra les deux armes que la naine a laissées sur place :
— Elle n'a même pas pris ses haches ! Comment compte-t-elle se défendre ?
— Elle n'a pas l'intention de combattre. Elle veut être discrète, et ses haches peuvent l'encombrer, faire du bruit ou des reflets.

Alnard rongea son frein, la main sur la poignée de son épée en fixant la ligne de crête, dans l'espoir de voir réapparaître la naine. Après quelques minutes, Lak'Mor posa doucement une main sur son épaule pour attirer son attention. Il avait trouvé un gros terrier où ils pourraient se cacher lorsque les trolls quitteraient les lieux.

Rulna revint enfin. Constatant que Alnard semblait à la foi irrité et soulagé, elle ne lui laissa pas le temps de dire quoi que ce soit :
— C'est bon, je vais bien ! Ils cherchent les elfes, mais ils ne savent pas où ils sont. Ils ont perdu leur trace au niveau de la crête. Ils ne vont pas tarder à revenir sur leurs pas. J'ai cru comprendre qu'ils ne sont pas très rassurés.
Lak'Mor confirma :
— Raëlnor et ses archers les harcèlent depuis des mois. Tark'Olg et ses guerriers ont subi de nombreuses pertes. Alors, ils ont appris à craindre ces elfes insaisissables.
Rulna leur fit signe de se taire :
— Ils bougent !
Ils surveillèrent la crête et virent les trolls revenir vers eux. Ils se glissèrent dans le terrier pour se cacher. Par chance, les trolls étaient trop occupés à surveiller la cime des arbres pour remarquer leur présence.
Le chef de patrouille ne semblait effectivement pas rassuré. Craignant d'être tombé dans une embuscade, il avait ordonné de rentrer vers l'île. Cachée à l'entrée du terrier, Rulna put entendre le chef de patrouille dire à son second :
— Au moins, nous avons trouvé une des sorties de leur terrier. C'est un bon début. Nous allons y poser des pièges. Nous finirons bien par les avoir !

Lorsque la patrouille se fut assez éloignée, Alnard chercha les elfes dans les arbres, privilégiant les arbres fruitiers et les chênes. Après un long moment, les créatures sylvestres finirent par se montrer prudemment. L'équipe de ravitaillement était composée de cinq archers et d'une dizaine d'enfants.
Alnard reconnut Daëron qui commandait le détachement. Il s'en approcha aussi tranquillement que possible :
— Tout va bien, ils sont partis. Mais vous ne pourrez pas rentrer à Rorg Alren par le même passage. Ils vont y poser des pièges et vous y attendre de pied ferme.
— Nous ne pouvons pas encore rentrer. Nous n'avons pas eu le temps de récolter assez de nourriture pour tout le monde.
Rulna bougonna :
— Vous ne serez pas les seuls à avoir le ventre vide ce soir. Les trolls ont fait fuir les sangliers.
L'elfe lui répondit par une grimace de dégoût qu'elle ne prit pas la peine de relever.
Lak'Mor s'approcha mais, constatant le mouvement de recul des enfants, ils s'immobilisa :
— Vous ne pouvez pas vous attarder ici. Cette patrouille craignait d'être tombée dans une embuscade. Mais si jamais ils venaient à croiser une autre patrouille ou pire, les guerriers de Zol'Kor, ils reviendraient ici immédiatement pour reprendre les recherches. Nous devons rentrer ensemble.
Daëron interrogea ses archers du regard. Tous semblaient, le cœur lourd, accepter de renoncer à poursuivre la recherche de nourriture.

Rulna commença à franchement s'énerver lorsque pour la troisième fois des archers elfes lui interdirent le passage dans sa propre cité. L'archer qui lui bloquait le passage avait l'air sincèrement désolé :
— Je n'y suis pour rien, ce sont les ordres de Raëlnor.
La naine se hissa sur ses pointes de pieds pour tenter de se faire plus imposante qu'elle ne l'était, et s'approcha si près de l'elfe qu'il dut reculer d'un pas pour qu'elle ne lui percute pas le nez de la tête :
— Et tu obéis toujours aux ordres stupides ? Si tu peux monter la garde dans ma cité, bien à l'abri des trolls, c'est parce que j'ai eu la faiblesse de vous y inviter. Ton Raëlnor commence sérieusement à me faire regretter cette décision !
Il fit un nouveau pas en arrière :
— Mais nous devons protéger Naëwen de Nelandir ! Elle est la dernière héritière connue de Tirwendel.
— La belle affaire ! Tu veux protéger l'héritière d'un tas de cendre contre ceux qui lui ont sauvé la vie et qui l'ont escortée jusqu'ici ! Tu te moques de qui ?
Ne sachant plus quoi dire, le garde fit un dernier pas en arrière :
— Je ne suis pas en mesure de discuter les ordres.
Rulna serra les poings, prête à forcer le passage :
— Alors laisse-nous passer ! Nous allons en discuter directement avec Raëlnor !
Alnard posa doucement ses mains sur les épaules de la naine pour la calmer et Daëron prit le relais :
— La situation est grave ! Nous devons voir Naëwen. Notre survie en dépend.
Le garde le fixa quelques secondes, hésita un instant avant de se tourner vers la porte :
— Restez ici. Je vais voir si Raëlnor peut vous recevoir.
Rulna s'emporta :
— Je n'en ai rien à faire de Raëlnor ! C'est à Naëwen que je veux parler !

Après quelques minutes d'attente, Rulna s'approcha de la porte, bien décidée à l'enfoncer s'il le fallait. Alnard et Tilou tentèrent de la retenir, ce qui ne fit que l'énerver davantage :
— Seul un fou peut oser interdire à un nain d'aller où il veut chez lui !
La porte s'ouvrit sans un bruit et Naëwen apparut dans l'ouverture, trouvant ses amis dans une situation inattendue : la naine traînait les deux hommes qui tentaient de la retenir en vain. Passé l'instant de surprise, l'elfe s'exclama :
— Vous vous décidez enfin à venir me voir !
Rulna soupira, incrédule, alors que Tilou lui répondit en pointant les archers qui se tenaient derrière elle, une flèche engagée sur la corde de leurs arcs :
— Si tu savais le nombre de gardes qui s'interposent entre toi et nous... C'est à croire que tu disposes d'une armée entière à tes ordres. Certains ici semblent penser que nous ne sommes pas dignes de te rencontrer.
Naëwen se retourna et réalisa que les archers étaient prêts à tirer sur ses amis. Elle s'emporta :
— Mais qu'est-ce qui vous prend ? Ce sont mes amis ! Rangez ces flèches immédiatement !
Les elfes hésitèrent, elle insista :
— Maintenant !
— Madame, ce sont quand même des humains, une naine et un troll.
Raëlnor venait d'arriver derrière elle :
— Nous sommes en guerre contre ces races, et vous êtes bien trop précieuse pour notre peuple. Nous devons donc être extrêmement prudents pour votre sécurité.
— Arrêtez de raconter n'importe quoi ! Je serais morte depuis longtemps sans eux. Vous aussi d'ailleurs ! Ce sont mes amis et je vous interdis formellement de les empêcher de me voir. Suis-je bien claire ?
Raëlnor baissa la tête en signe d'acceptation, mais Rulna comprit en croisant son regard glacial qu'ils n'en avaient pas fini avec lui.

Naëwen les invita à entrer. Tilou examina la grande salle pour la première fois. Il s'agissait d'une immense salle circulaire d'environ cinquante mètres de diamètre, dont la voûte parfaitement hémisphérique était soutenue par cinq colonnes sculptées que le jeune homme observa attentivement. Il fut surpris de constater qu'il n'y avait aucun joint entre les colonnes, le sol et la voûte. Il réalisa alors que cette salle avait été creusée à même la roche, en ne laissant du bloc original que les cinq piliers que les nains avaient sculptés par la suite pour en faire ces magnifiques colonnes décorées de motifs géométriques complexes. Un trône majestueux en marbre blanc veiné de rouge était posé sur une haute estrade de pierre, contre une colonne, face à l'unique porte. Une trentaine d'enfants se trouvaient là, occupés à tresser des fibres végétales pour faire de nattes ou des paniers à provision.
Daëron s'inclina face à Naëwen avant de lui exposer rapidement la situation. Naëwen devint blême et s'assit sur un siège bien trop petit pour elle. Elle se tourna vers Rulna :
— Ils ont trouvé combien de portes ?
La naine réfléchit rapidement :
— Ils en connaissent au moins trois. Celle où nous avons trouvé Raëlnor et ses archers, celle de l'île, et celle que Daëron a utilisée pour aller chercher de la nourriture. Je pense que celle par où nous sommes rentrés peut être considérée comme perdue. Nous étions trop nombreux et trop pressés pour avoir pu effacer convenablement nos traces.
— Combien en reste-t-il ?
— La porte de la rivière et celle des rochers sont trop proches de l'île pour être sûres. Il ne nous reste plus que la porte des sources... Pour l'instant. Mais les trolls ont de bons pisteurs. Ils finiront par la trouver aussi. Nous sommes trop nombreux pour être discrets, et trop peu nombreux pour pouvoir assurer notre sécurité dans la forêt.
Daëron enfonça le clou :
— Si nous ne pouvons plus sortir, notre ravitaillement va vite devenir problématique.
Naëwen se tourna vers Raëlnor :
— Ne pourriez-vous pas affecter tous vos archers au ravitaillement plutôt qu'à ma protection ? Ils y seraient assurément plus utiles.
Alors que Tilou se fit violence pour ne pas afficher un sourire assassin face au chef des archers, Rulna ne se priva pas de lui faire un clin d'œil moqueur :
— Et toc mon pote !
L'elfe fronça à peine les sourcils, mais Daëron ne lui laissa pas le loisir de répondre :
— Le problème ne sera pas réglé pour autant. Plus nous serons nombreux pour le ravitaillement, plus nous serons faciles à repérer et nous serons bientôt dans l'incapacité de sortir d'ici.

Les enfants s'étaient approchés pour mieux entendre la conversation. Naëwen les regarda, pendant qu'elle réfléchissait. Elle se redressa livide :
— Si je comprends bien la situation, nous sommes en sécurité tant que nous restons à Rorg Alren, mais nous risquons d'y mourir de faim d'ici peu... Quelles sont les alternatives ?
Raëlnor fit un pas vers elle en levant un poing déterminé :
— Nous combattrons ! Jusqu'à la mort s'il le faut !
Les archers se rallièrent à lui, avec nombre des enfants les plus âgés. Naëwen regarda les enfants, les yeux rougis de larmes.
Rulna fit face à Raëlnor :
— Je ne pense pas que les trolls puissent entrer dans Rorg Alren, mais comment comptez-vous trouver assez de nourriture pour nourrir tous ces enfants, sans vous faire repérer par les trolls ? Nous les avons entendus dire qu'ils vont placer des pièges à proximité de la sortie. Que se passera-t-il lorsqu'ils nous auront acculés à l'intérieur ?
C'est ce que vous avez fait à Rocknor. Vous avez bloqué toutes les issues, et vous avez tué mon peuple à petit feu. Oh, votre général a abrégé les souffrances des nains en les noyant, mais le mal était déjà fait. Sans possibilité de se nourrir, les nains étaient déjà condamnés. Voulez-vous subir le même sort ?
— Les Trolls sont partout ! Où crois-tu pouvoir fuir, espèce de lâche petite idiote ? Nous combattrons avec courage et honneur !
Rulna serra les poings et Alnard s'avança pour lui faire ravaler ses paroles, mais c'est Naëwen qui intervient la première :
— Je vous interdis de lui parler ainsi !
La naine remercia Naëwen d'un signe de tête avant de fixer Raëlnor, d'un calme froid et déterminé :
— Vous voulez combattre jusqu'à la mort ? Alors c'est la mort que vous trouverez ! Puisse-t-elle être rapide et sans douleur. Mais d'après ce que je sais de ce Zol'Kor, je crains qu'il ne prenne son temps pour vous tuer. Quant à l'honneur !
Elle cracha par terre :
— Les nains de Rocknor ont estimé que leur honneur était plus important que leurs vies. À quoi leur a servi cet honneur qui leur a coûté si cher ? Leurs enfants ont-ils eu la chance de défendre leur honneur ?
Alnard qui se souvenait parfaitement de ce qu'elle lui avait dit près de Tirwendel – « L'honneur, c'est ce que nous lèguent nos parents, et nous le transmettons à nos enfants. C'est notre bien le plus précieux. Bien plus précieux que notre vie. » – fixait la naine avec surprise.
Rulna croisa le regard du jeune homme et lui sourit avant de poursuivre :
— Nous devons faire comme mes ancêtres qui ont eu le courage de bafouer leur honneur pour permettre à leurs enfants de vivre et à mon peuple de survivre. Nous devons quitter cette cité ou elle sera notre tombeau.
Naëwen s'approcha d'elle, les larmes aux yeux. Elle prit les mains de la naine :
— Dis-moi que tu as une idée ! Dis-moi que nous n'avons pas libéré ces enfants pour les voir mourir avec nous !
Rulna lui sourit et désigna Raëlnor du menton :
— J'ai bien une solution, mais elle ne va pas lui plaire.

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