Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre XLVIII
XLVIII
Litak arriva à proximité
d'une petite grotte. Là, elle vit Sharle, auréolé d'un halo lumineux,
qui était en conversation avec son père, Urog, Darlak, un autre guerrier
qu'elle ne connaissait pas et Farabert. En examinant les lieux avec
attention, elle remarqua d'autres guerriers qui lui étaient inconnus,
mais dont les tenues lui étaient étrangement familières, ainsi que
quelques hommes, armés d'arcs. Litak en déduisit que ces inconnus
étaient des soldats de Valfond qui étaient venus en renfort. Elle vit
aussi Mallog, Bratak et Martog.
Elle s'approcha de Sharle, mais Corg la perçut le premier. Il redressa la tête :
— Litak ?
Les autres le regardèrent surpris.
— Je suis là, père.
— Litak, c'est bien toi ?
— Oui.
Corg s'aperçut du regard des autres sur lui.
— Je crois que je perçois ma fille. Je n'en suis pas certain, mais je sens sa présence.
— Litak, est-ce que ça va ?
Elle
comprit que son père ne percevait pas ce qu'elle essayait de lui dire.
Elle posa sa main sur son bras en pensant aussi fort qu'elle le pouvait :
« Je suis là, je vais bien, ne t'inquiète pas. » Elle le sentit se détendre.
— J'en suis certain maintenant, elle est là. Je ne sais pas comment, mais elle est là.
Sharle commençait aussi à la percevoir.
— Je crois bien que tu as raison.
Les autres étaient de plus en plus surpris, car ils ne percevaient rien.
Litak effleura tour à tour chacun des guerriers ainsi que Farabert et
dès qu'elle entrait en contact physique avec eux, ils commencèrent à
percevoir sa présence et ils se regardèrent incrédules.
Elle finit par effleurer Sharle.
— Sharle ? Tu me comprends ?
Il était partagé entre surprise et joie. Il la percevait comme si elle était réellement à quelques pas de lui.
—
Oui. Je suis heureux que tu sois là. Je commençais à me demander si je
n'avais pas entièrement imaginé ce qui s'est passé il y a trois nuits.
Soudain, une angoisse lui serra le cœur :
— Tu vas bien ? Ils ne t'ont pas encore battue comme la dernière fois ?
— Non, je vais aussi bien que possible. Je suis un peu blessée, mais rien de grave.
Elle réfléchit un instant, pour se souvenir des informations qu'elle voulait leur donner :
—
Sharle, tu ne dois pas t'approcher de ce village, Halbair, leur chef,
te perçoit quand tu es le Hurleur. Il a su que tu étais avec moi l'autre
nuit, c'est pour ça qu'il est parti avant les autres.
— Oh ! Il est
donc presque aussi doué que Farabert. Ce jeune homme parvient à
comprendre nos conversations orques. Il dit comprendre les intentions,
pas les mots.
Litak regarda le jeune homme d'un œil nouveau.
Savait-il qu'elle tentait de s'échapper lorsqu'il était venu apporter de
l'eau pour les petits ?
— Il nous a aidés lorsque nous avons tenté de nous enfuir.
— Et il a continué lorsque nous avons attaqué la caravane. Il a tué
deux rafleurs et libéré Séana et Maniléa. Sans lui, elles seraient
mortes ou esclaves.
— Je suis contente qu'il soit avec vous. Dis-lui que sa sœur s'inquiète pour lui.
— Je le ferai.
— Cette femme, Bessilla, elle est ici. Elle est dangereuse. Elle veut te tuer.
— Je sais, je l'ai vue arriver la nuit dernière. Nous étions dans le
village pour essayer de trouver comment entrer dans cette prison. J'ai
entendu ce qu'elle disait à Halbair. Je suis désolé. Tout cela est de ma
faute, si je ne te l'avais pas présentée, votre clan n'aurait pas été
attaqué.
— Non ? C'est de sa faute à elle. Et puis, Halbair nous
cherchait déjà depuis longtemps. Il nous avait repérés dans notre forêt.
Notre clan est faible, c'est pour ça qu'il voulait nous attaquer. Pour
faire un « gros coup » comme il dit.
Tous,
excepté les archers, percevaient la présence de Litak et les orques de
Valfond, qui ne connaissaient que peu l'aptitude de Sharle à communiquer
avec les orques, découvraient une nouvelle facette de leur futur
seigneur.
Les membres du clan quant à eux, se posaient bien des
questions à propos de la fille de Corg, cette étrange créature qu'ils
pensaient bien connaître, se montrait surprenante depuis le début de
cette affaire. Elle s'était montrée capable de combattre plusieurs
hommes à la fois, alors qu'elle n'avait jamais été formée pour cela, et
maintenant, elle était capable de faire comme le Hurleur : se faire
percevoir à longue distance.
Martog en fit la remarque à Corg, mais Urog le contredit :
—
Non, pas tout à fait comme le Hurleur. Lui, tout le monde savait qu'il
était loin de nous, on le percevait bien longtemps avant de voir
apparaître ses armées. Et maintenant que nous savons qu'il s'agit de
Sharle, on ne peut plus dire, comme certains l'ont prétendu, qu'il se
cachait à proximité pour nous effrayer. Il était réellement loin quand
nous le percevions. Litak, elle, semble toute proche de nous. Si on
ferme les yeux, on peut très bien l'imaginer assise près du feu, en
train de converser avec Sharle. Aussi étrange que cela puisse paraître,
elle est ici, avec nous.
Mallog en serait arrivé à la même conclusion si cela n'était pas aussi incompatible avec sa jeune expérience.
— Je comprends ce que tu veux dire, mais c'est impossible. Elle ne peut pas être ici, on la verrait.
Darlak,
qui n'avait pas accepté la présence d'un monstre au sein de son clan
lorsque Litak était née, voyait les choses autrement :
— Elle
n'est pas une orque. Nous la connaissons depuis sa naissance, elle a
grandi parmi nous, s'est toujours comportée comme une petite orque
normale et nous avons fini par l'oublier : elle n'est pas une orque. Et
elle n'est pas humaine non plus. Elle est unique et qui sait vraiment de
quoi elle est capable ?
Corg n'aimait pas les sous-entendus :
— Litak n'est pas un monstre !
— Je le sais. Maintenant, je le sais. Mais personne n'a jamais connu
quelqu'un comme elle avant. Personne ne peut donc savoir ce dont elle
est capable, Pas même elle d'ailleurs.
Sharle s'approcha de Farabert.
— Dis-moi, penses-tu que Lina puisse nous aider à entrer dans l'école ?
Le jeune homme n'eut l'air qu'à moitié surpris de l'entendre prononcer le prénom de sa sœur.
— S'il n'y a pas trop de danger, elle peut aider. Elle est très jeune, elle ne peut pas se battre contre les hommes de Halbair.
— Il n'est pas question qu'elle prenne des risques. Mais crois-tu
qu'elle puisse ouvrir la petite porte sur l'arrière du bâtiment ?
—
Il faudrait qu'elle ait la clé, mais elle est toujours gardée dans la
salle d'armes. Je ne sais pas si elle réussirait à la prendre sans se
faire attraper.
— D'accord.
Sharle sembla réfléchir un instant, mais tous perçurent à nouveau Litak.
— Bien, Litak va tenter de créer une diversion, ce qui permettra à Lina d'agir.
Corg s'inquiéta :
— Quel genre de diversion ? Je trouve qu'elle a déjà assez subi de
coups comme ça. Je refuse qu'elle prenne encore des risques !
— Elle ne sait pas encore, mais elle pense pouvoir y arriver sans que l'on sache qu'elle en est la responsable.
Corg sentait la présence de sa fille tout près de lui.
— Comment comptes-tu faire ?
Sharle lui transmit la réponse de Litak :
— Comme ça, regarde.
Ils cherchèrent tous ce qu'ils devaient voir, lorsque Urog poussa un
grognement féroce. Tous se tournèrent vers lui et virent stupéfaits la
hache du colosse sortir toute seule de sa boucle de ceinture. La hache
flotta dans les airs jusqu'à la main de Corg.
— Mais... Comment ?
Sharle transmettait la réponse de la demi-orque :
—
Elle a fait la connaissance de Bénobog, un chaman, qui est prisonnier
lui aussi. Il semblerait qu'il ait vu Litak plusieurs fois dans ses
visions. Elle serait Aélania, La lumière de Vie, bien qu'elle n'y croie
pas trop. Il lui a appris à communiquer sur les gammes et l'a aidée à
maîtriser le voyage sans son corps.
Tous écoutaient Sharle, sans parvenir à croire ce qu'il disait. Mallog ne comprenait pas tout :
— Communiquer sur les gammes ?
Sharle le regarda en haussant les épaules, pour dire qu'il ne comprenait pas non plus.
— Elle l'avait déjà fait, il y a trois nuits, lorsque nous étions en haut de la falaise des morts. Et puis, ensemble, ils ont découvert qu'elle pouvait agir sur les objets en métal.
Le regard de Urog sembla s'éclairer :
—
Bratog m'a dit qu'au tout début de l'attaque du village, Litak l'a
alerté en hurlant. Elle devait avoir vu le départ de la flèche qui lui
était destiné. Il avait vu la flèche venir droit sur lui, mais au
dernier moment, elle avait dévié pour le toucher à la cuisse plutôt qu'à
la poitrine. À cet instant, il avait cru percevoir quelque chose qui
pourrait ressembler au Hurleur... Je ne comprenais pas de quoi il
parlait, mais est-il possible que Litak ait dévié cette flèche sans le
savoir ?
— Elle ne sait pas.
Sharle sentait que le contact avec la métisse devenait plus faible et il s'en inquiéta :
— Litak, ça va ?
— Oui, mais j'ai du mal à rester avec vous. Je crois que je vais devoir rentrer.
— Courage ! On fera tout pour vous sortir de là !
— Il faut aussi...
Le contact était rompu.
Commentaires
Enregistrer un commentaire