Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre XL
XL
Ils parvinrent à la
frontière marquée par la rivière blanche en milieu d'après-midi. L'autre
berge semblait déserte et Farabert les conduisit vers un gué plus loin
en amont. Là, ils décidèrent d'attendre la nuit pour traverser le cours
d'eau et se déplacer discrètement.
Après avoir franchi la rivière,
le jeune homme les guida vers le domaine de Halbair, en prenant soin
d'éviter les zones habitées. Mais en constatant le nombre de détours
qu'il leur faisait faire, ils comprirent que la zone était fortement
peuplée. Il ne leur serait pas simple de délivrer Siléa et Litak et de
retourner à Valfond sans se faire repérer.
Alors
que le ciel commençait à s'éclaircir, ils parvinrent enfin sur les
terres de Mont Noir. Farabert les dirigea à travers bois vers la
montagne, jusqu'à une petite grotte qui surplombait les installations de
Halbair. Là, ils prirent conscience de la difficulté de la tâche qui
les attendait : « l'école », comme se plaisait à l'appeler le chef des
rafleurs, se trouvait au centre du village. Elle était entourée d'une
enceinte fortifiée avec quatre tours dans les angles. À l'intérieur, une
rangée de cellules sur deux niveaux, toutes tournées vers une grande
cour, elle-même découpée en divers enclos. Au centre de la cour, quatre
mats, dont Sharle ignorait l'utilité. Il n'émanait de cet endroit que
douleur, peur et désespoir, à tel point que le Général en eut la nausée.
À cette vue, Darlak fut pris d'une profonde angoisse quant au destin
réservé à sa fille. Corg faisait un effort terrible pour garder son
sang-froid, quant à Urog, il n'était que colère froide.
Le soleil jaune se leva et le village s'anima peu après. Sharle vit des gens sortir de leurs habitations et il constata que les maisons en périphérie du village étaient occupées par des hommes en armes. Une façon simple et peu coûteuse d'interdire infiltrations et évasions. Halbair n'était qu'un monstre, mais il n'était pas stupide, loin de là. Un ordre fut crié et un homme se présenta au pas de course. On lui donna quelque chose que Sharle ne put identifier, puis l'homme monta sur un speedrun -un herbivore haut sur pattes et très rapide à la course, régulièrement utilisé par les messagers, parfois comme monture pour la cavalerie, bien que ces animaux soient très craintifs, ce qui posait souvent des problèmes sur les champs de bataille. Puis il quitta le village à grande vitesse.
Un
homme, grand, longs cheveux noirs et gris, manteau noir qui tombait
jusqu'aux genoux, sortit de la plus grosse maison du village. Sharle le
désigna à Urog :
— Halbair, le chef de ces criminels.
Le colosse
émit un grognement sinistre et le Général perçut des envies de tuer
chez Corg et Darlak. Il sut à cet instant que le rafleur était déjà
mort, ce n'était qu'une question de temps, mais peu lui importait
l'avenir de cet homme, l'essentiel pour Sharle était de mettre fin à ses
activités et de récupérer Litak et Siléa.
Il perçut soudain un dialogue très faible, comme si deux orques chuchotaient entre eux, venant de ce village. Il ne comprenait pas ce qui se disait, mais il était surpris de percevoir quelque chose d'aussi ténu venant d'aussi loin. Il avait l'impression que Litak communiquait avec quelqu'un, mais il n'osait espérer que ce soit bien la réalité. Peut-être n'était-ce que son imagination, aidée par la fatigue accumulée depuis deux jours.
Darlak
cherchait sa fille du regard, lorsqu'il montra aux autres Halbair qui
se dirigeait vers une cellule avec l'un de ses hommes. Le subalterne
ouvrit la porte. Soudain, les chuchotements prirent fin. Quelques
instants plus tard, une masse verte surgit de la cellule. Elle fut
stoppée par un coup de poing de Halbair et s'écroula à ses pieds. Tous
reconnurent Litak. Corg faillit bondir à l'assaut du village, mais Urog
le retint par le bras :
— Pas maintenant ! Pas comme ça, sans
savoir comment nous allons faire. Je tuerai cet homme de mes mains s'il
le faut, mais pour cela, il nous faut arriver jusqu'à lui et nous sommes
trop peu nombreux pour une attaque frontale.
Corg enrageait, mais il savait que Urog avait raison.
L'homme
qui avait ouvert la porte sortit enfin, titubant et se tenant l'abdomen
d'une main. Martog posa une main sur l'épaule de Corg :
— Au moins, elle leur donne du mal. Elle est brave ta petite !
Il n'eut pas le temps de répondre. Ils virent l'homme blessé attraper
Litak par les poignets liés, la tirer encore inconsciente à travers la
cour pour l'attacher à l'un des mats. Halbair hurla. Deux jeunes orques
furent attachés comme Litak.
Farabert devint blême et détourna son regard. Sharle s'approcha de lui :
— Que se passe-t-il ?
— Il va leur faire du mal. Je ne supporte plus de voir ça. Lorsqu'il
m'a "libéré", il m'a amené ici et il m'a montré comment il dressait les
"animaux". Les plus combatifs, il les attache à ces poteaux pour les
fouetter. Ce jeune orque, cela fait longtemps qu'il est là et jamais il
n'a cédé. Halbair lui a fait subir toutes sortes de sévices, mais il n'a
pas réussi à le briser. Cette fois, sa petite sœur va subir le même
traitement.
Il fit une grimace de colère ou de compassion, Sharle n'aurait su le dire.
— Elle est si jeune...
Sharle
entendit claquer le fouet, il se retourna précipitamment pour voir avec
un soulagement dont il eut honte par la suite, que ce n'était pas Litak
qui subissait ce traitement, mais le jeune rebelle.
Puis, ils
entendirent Litak Hurler "NON !" Halbair vint la frapper, puis le
bourreau infligea un coup de fouet à la petite orque.
Urog se redressa.
— Nous ne pouvons pas nous contenter de délivrer vos filles. Nous devons tous les libérer !
Tous,
même Farabert, étaient du même avis. Il leur faudrait agir vite, car il
n'était pas question de laisser faire de telles atrocités plus
longtemps que nécessaire, mais ils admirent qu'ils devaient mettre au
point une stratégie et en la matière, tous comptaient sur le Général.
Sharle ne voulait pas leur faire faux bond, il avait déjà affronté des
situations compliquées, mais cette fois-ci, il y avait des personnes non
combattantes, qu'il devait prendre en compte.
Durant l'après-midi, Darlak aperçut sa fille. Elle semblait mieux traitée que Litak, il en déduit qu'elle se rebellait moins. La fille de Corg quant à elle était toujours attachée au poteau ainsi que les deux jeunes orques. Heureusement pour eux, le ciel était couvert de lourds nuages, ce qui les préservait de la chaleur. Sharle observait le domaine inlassablement, cherchant le point faible par lequel ils pourraient s'infiltrer. Il avait bien trouvé quelques possibilités, mais chacune présentait de sérieux obstacles. Il avait besoin de s'approcher pour vérifier avec un autre point de vue. Il décida donc de profiter de la prochaine nuit pour s'infiltrer dans le village et en apprendre plus.
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