Les cendres de Tirwendel - Chapitre LI
LI
Shack'Gan tournait en
rond dans la petite cabane, sous les yeux de Lak'Mor qui se pelotonnait
dans un coin pour ne pas gêner ses déplacements :
— Pourquoi faut-il
que de tous les chefs de guerre de la horde, nous soyons sous les
ordres de celui-ci ? Il n'a aucun respect pour la vie, ni pour la parole
donnée ! S'il ne tenait qu'à moi, je l'aurais déjà réduit en cendres
depuis Nelandir !
Le jeune guerrier tenta de le raisonner :
— Mais ta compagne et ton fils sont retenus en otages dans le clan de Ort'Kan.
Shack'Gan projeta une boule de feu dans un coin de la pièce :
— Tu penses que je l'ai oublié ? Tu penses que cette brume qui engourdissait mon esprit m'a fait perdre la raison ?
Lak'Mor se sentait impuissant :
— Non, bien entendu. Je voulais simplement te faire comprendre que tu
n'es pas responsable de la situation, ni des actes de Zol'Kor.
Shack'Gan s'immobilisa au milieu de la petite pièce :
— Je le sais bien. Mais cela ne rend pas ses agissements acceptables
pour autant. Je dois trouver un moyen de passer outre sans mettre les
miens en danger.
Il serra les poings :
— Je ne supporterai pas ce troll plus longtemps ! Je...
Shack'Gan s'était immobilisé, visiblement inquiet. Il prit sa tête entre ses mains :
— Non ! Pas encore !
Lak'Mor se leva précipitamment, paniqué :
— Que se passe-t-il ?
Le mage semblait lutter de toutes ses forces contre un ennemi
invisible, puis il se détendit aussi vite qu'il s'était crispé. Il
sourit calmement et ce changement d'attitude aussi soudain que complet
inquiéta le jeune Troll :
— Shack'Gan ! Qu'est-ce qu'il y a ?
Le mage leva un doigt pour le faire taire :
— Lamaën ! C'est Lamaën !
Il sortit de la cabane et se dirigea d'un pas décidé vers l'enclos.
À
mesure qu'il s'en approchait, des guerriers de Tark'Olg convergèrent
vers lui. Lak'Mor qui suivait s'empressa de les rassurer :
— Ne vous inquiétez pas, il va juste essayer de trouver quel elfe interroger demain.
Les gardes laissèrent passer le mage, sans pourtant avoir l'air convaincus. L'un d'eux prévint le jeune guerrier :
— Personne n'a le droit d'entrer dans l'enclos. Lui pas plus qu'un autre, tout mage qu'il soit !
Lak'Mor pouffa :
— Entrer là-dedans ! Quelle horreur !
Il rattrapa Shack'Gan :
— Tu as entendu ? Tu ne pourras pas entrer.
Il eut l'impression que le mage ne l'avait pas écouté. Shack'Gan se planta face à la palissade et hurla :
— Je suis là !
Les
jeunes elfes se tournèrent vers lui, laissant voir le temps d'un
instant une petite fille assise, les mains posées sur les genoux, les
yeux fermés. Elle sourit, mais les jeunes otages se replacèrent
rapidement devant elle. Après quelques secondes, un jeune elfe
s'approcha, visiblement contrarié :
— Tu es là, la belle affaire ! En quoi cela nous concerne-t-il ? Comptes-tu interroger d'autres futurs cadavres ?
Shack'Gan baissa les yeux en signe de remords :
— Ce qu'a fait Zol'Kor est impardonnable. J'avais donné ma parole à Tanaël et Hilënrond que je ne leur ferais pas de mal...
Il releva la tête :
— Je suis Shack'Gan et je souhaiterais parler à Lamaën.
Le jeune elfe se montra agressif :
— Je ne connais aucune Lamaën.
Shack'Gan eut un mouvement de surprise, mais il insista :
—
Je n'ai aucune intention de mettre ta parole en doute, mais Lamaën est
cette petite fille qui porte une attelle sur sa jambe cassée.
L'elfe plissa les yeux :
— Et alors ?
— C'est moi qui lui ai fait cette attelle. Je voulais savoir comment elle allait.
Le
jeune otage eut toutes les peines du monde à masquer sa surprise. Il se
tourna brièvement vers le groupe derrière lui, comme s'il attendait un
signe de leur part, avant de répondre :
— Comme nous tous, elle a perdu ceux qui lui étaient chers, et elle s'inquiète pour l'avenir.
— Dis-lui que j'espérais la revoir un jour, mais pas dans ces conditions.
Shack'Gan embrassa l'enclos du regard :
— Tout ceci me navre.
Il prit conscience que la plupart des elfes semblaient s'affairer au centre de l'enclos, près d'un amas de rochers.
Le jeune otage s'inquiéta et tenta de détourner son attention :
— Que pouvons-nous y faire ? Nous sommes du mauvais côté de cette barrière.
Le mage le fixa avec une telle intensité que le jeune elfe manqua de peu de détourner son regard. Le troll sourit :
— Prenez soin d'elle. Et quoi que vous fassiez, essayez d'être plus discrets.
Il s'éloigna de quelques pas avant d'ajouter sur un ton amical :
— J'espère sincèrement ne plus te revoir.
Shack'Gan se remit en marche, mais le jeune elfe ajouta :
—
Elle passe le plus clair de son temps assise, les yeux fermés en disant
qu'elle aide un ami. Je ne sais pas de quoi elle parle, mais elle a dit
qu'elle aurait bientôt fini.
Shack'Gan s'arrêta, se tourna une dernière fois vers l'enclos et chercha Lamaën du regard, en vain :
— Remercie la pour moi.
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