Les cendres de Tirwendel - Chapitre XXII

 

XXII

Le froid la réveilla aux premières lueurs de l'aube. Elle tenta de se relever, mais une douleur fulgurante la rappela à l'ordre. Surprise, elle dut se concentrer pour en retrouver l'origine. Des bribes de souvenirs lui revinrent, la plaie infectée, la fièvre, le délire qui l'avait presque conduite à la noyade, et enfin, sa décision de cautériser la plaie. Elle examina sa brûlure. Elle était boursouflée, mais elle semblait propre et ne montrait plus de signe d'infection.

Elle se releva prudemment, chancela quelques instants, avant de retrouver ses moyens et prit alors conscience qu'elle avait terriblement faim. Elle chercha dans ses affaires quelques restes à manger, mais ce qu'elle trouva n'était pas suffisant pour calmer son appétit. Elle décida d'aller chasser, doutant pourtant d'être en mesure d'abattre un sanglier ou un chevreuil avec sa seule dague.

Rulna s'enfonça dans la forêt la plus proche, à la recherche de traces de passage. Un lièvre détala soudain à quelques pas. Par habitude, elle lança sa dague avec force et précision, avant de s'écrouler en criant de douleur. Lorsqu'elle fut en mesure de se relever, Rulna examina sa blessure, constatant avec soulagement qu'elle ne s'était pas rouverte. Maugréant contre sa propre sottise, elle se mit à la recherche de son arme, la main plaquée contre sa blessure pour tenter de calmer la douleur. Elle retrouva avec surprise le rongeur, transpercé par sa dague. Elle sourit. Au moins aurait-elle à manger aujourd'hui. Elle récupéra son arme, la nettoya sommairement, puis elle mit le lapin dans sa besace avant de poursuivre ses recherches.
Elle aperçut un chevreuil en milieu de matinée, mais elle se garda bien de tenter de l'abattre d'un jet de dague. Elle savait pourtant que sa seule prise ne suffirait pas à la nourrir. Il lui fallait plus, mais elle se sentait comme un vieillard, incapable de subvenir seul à ses besoins. Elle repensa alors au vieux Gorak de son enfance, devenu impotent après un accident de chasse. Le vieux bougon faisait preuve d'une telle obstination, qu'il avait fini par aller chasser à l'aide d'un long et solide pieu surmonté d'une lame en acier. Évidemment, il était mort quelques années plus tard, lors d'une de ses parties de chasse, chargé par plusieurs sangliers, mais entre-temps, il avait mangé à sa faim.
Comme Rulna préférait de loin mourir ainsi plutôt que de faim, elle chercha une branche de bonne taille pour se faire une pique.

Le soir même, elle avait confectionné sa lance. Elle se remit en chasse dans la forêt et parvint à débusquer une harde de sangliers. Cinq adultes et un bon nombre de marcassins. Elle les observa quelques instants afin de décider d'une tactique. Elle devait pouvoir esquiver une charge si plusieurs animaux venaient à la charger, mais elle n'était pas assez agile pour pouvoir l'envisager à découvert, et sa lance, même si elle lui permettait de frapper à distance de sécurité, était plus lente à manier que sa simple dague. Elle décida donc de s'adosser à un arbre de bonne taille, dont une branche basse lui permettrait le cas échéant de grimper pour se mettre à l'abri.

Elle se redressa soudain et criant et en faisant mine de charger les animaux. La plus grosse laie redressa la tête et poussa un grognement strident. Aussitôt, la harde partit dans la direction opposée. Craignant de perdre son repas, Rulna courut à leur poursuite, réalisant un peu trop tard qu'elle perdait ainsi toute possibilité de se protéger. La laie qui avait alerté les autres se retourna avec une surprenante vivacité. Elle fit mine de charger vers Rulna en signe d'intimidation. En vain. L'animal s'élança alors pour de bon. Rulna ralentit sa course et se prépara à l'impact. Elle pointa sa lance vers l'animal, et, au dernier moment, elle planta la hampe dans le sol. La laie vint s'empaler sur l'arme improvisée qui plia sous la force du choc. L'animal fut stoppé net et s'écroula en se débattant vainement. Rulna poussa un hurlement de victoire

Le lendemain, elle emballa les restes de son repas dans de grandes nattes de feuilles, avant de reprendre sa route vers le nord. Craignant de devoir encore affronter les hommes de Grandguy, elle préféra voyager sous le couvert de la forêt, ou de nuit lorsqu'elle devait traverser des champs ou des prairies.
Après une dizaine de jours, sa blessure n'était plus qu'une simple gêne, et elle recommença à chasser avec sa simple dague. Trois jours plus tard, elle jugea qu'elle avait retrouvé tous ses moyens et décida de voyager à nouveau de jour, par la route.
Bientôt, elle aperçut des fumerolles noires derrière une petite colline. Une ville se trouvait en contrebas, au carrefour de plusieurs routes.
La bourgade était vivante et beaucoup de commerces profitaient des nombreux voyageurs venant de la frontière et se déplaçant vers Marendis, ou qui faisaient le chemin inverse.

 

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