Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitre L
L
Elle revint à elle dans
sa cellule, épuisée et désorientée. Elle percevait toujours Bénobog qui
était à la fois inquiet pour sa nouvelle initiée et curieux de sa
nouvelle expérience.
— Te revoilà enfin ! Comment cela s'est-il passé ? Jusqu'où es-tu allée ?
Litak éprouvait un malaise. Comme si elle tentait de réintégrer une
enveloppe charnelle devenue trop petite pour son être immatériel. Elle
se sentait à l'étroit, enfermée dans son corps.
— Je les ai
trouvés. Les guerriers de mon clan sont avec Sharle, quelques-uns de ses
soldats et Farabert, quelque part dans la montagne au-dessus de ce
village.
Le chaman ne mettait pas en doute les propos de la jeune
métisse, mais il avait du mal à concevoir une telle association : des
guerriers d'un clan, un homme et ses soldats et un jeune rafleur, unis
pour sauver une demi-orque et son amie.
— Tu as pu leur parler ?
— Ils savaient que j'étais là, du moins les orques, Sharle et Farabert, mais seul Sharle pouvait me comprendre.
— Pourquoi lui ?
— Je ne sais pas, mais c'était comme les deux fois précédentes, il
était entouré d'un halo lumineux, pas les autres. Et puis, c'est toi le
chaman, ne devrais-tu pas avoir les réponses et moi les questions ?
Elle sentait qu'elle l'avait piqué dans son orgueil et elle en fut désolée.
— Tu as raison, c'est ainsi que cela devrait être... Mais jamais je n'avais eu connaissance d'un tel pouvoir...
Il réfléchit un instant.
— Peut-être me faudrait-il rencontrer ce Sharle pour comprendre.
— Je suis désolée, je ne voulais pas te blesser.
— Ce n'est rien. Je pensais tout savoir sur les pouvoirs des chamans et
tu me montres qu'en fait il me reste beaucoup à étudier. Je croyais
devoir t'aider, que tel était mon destin, mais plus je te connais, plus
je m'aperçois que c'est toi qui vas m'aider à progresser.
Elle bailla.
— Je suis désolée, je suis fatiguée, je dois me reposer.
Elle
venait à peine de s'endormir, du moins était-ce l'impression qu'elle
avait, lorsqu'un homme qu'elle n'avait encore jamais vu vint frapper sur
les barreaux de sa porte avec un gobelet de métal.
— On ne dort pas cette nuit !
Avant qu'elle n'ait réagi, il lui jeta un seau d'eau fraîche, ce qui
finit de la réveiller complètement, puis il partit comme il était venu.
Elle était trempée et elle avait froid. Elle se recroquevilla sur
elle-même dans un coin de la cellule et ferma les yeux. Elle avait
vraiment besoin de dormir et maudissait ces hommes qui semblaient avoir
trouvé un moyen de l'affaiblir.
Elle
commençait à s'assoupir, lorsque l'homme revint l'arroser.
Régulièrement, un rafleur, pas toujours le même, venait l'empêcher de
dormir. Au petit matin, Halbair vint la sortir de son cachot. Il la
menotta sur l'un des axes de la roue qu'elle devrait faire tourner avec
trois autres orques. Elle s'aperçut vite de l'effort considérable que
cela demandait. Ses trois compagnons d'infortune semblaient user de
toute leur puissance physique pour faire tourner la roue et elle suivait
le mouvement plus qu'elle ne pouvait les aider.
— Pourquoi doit-on faire tourner cette chose ?
L'orque qui se trouvait devant elle se retourna et la dévisagea un long moment.
— Tout ce que je sais, c'est que ça produit cet insupportable bruit qui nous empêche de parler entre nous.
— J'avais déjà compris, mais pourquoi doit-on faire fonctionner cette chose ? Ne pourrions-nous pas simplement nous arrêter ?
Celui qui était derrière elle s'énerva :
— Pour qu'ils s'en prennent à nos familles ? Arrête d'espérer ! Nous n'avons pas le choix.
Celui de devant se retourna à nouveau.
— Tu es quoi toi ? Tu n'es pas des nôtres, qu'est-ce que tu fais là ? Que sont devenus tes semblables ?
Elle avait oublié que ces gens n'avaient jamais vu personne comme elle. Comment pourraient-ils deviner ?
— Je suis mi-orque, mi-humaine. Je suis née dans le clan de la Forêt Sombre.
Il leur fallut quelques instants pour bien comprendre le sens de ce qu'elle venait de leur dire.
— Mais c'est impossible, personne n'a jamais vu une chose comme ça !
Elle avait l'habitude de ce genre de réaction, mais elle s'en offusquait toujours :
— Et pourtant, cette chose impossible est là, devant toi ! Et elle s'appelle Litak, fille de Corg !
— Oh, ça va, ne t'énerve pas... C'est juste que nous sommes surpris.
Il marqua une petite pause.
—
Moi, c'est Drack du clan des Hautes Prairies, lui, c'est Doprag du clan
de la Vallée Verte et lui, devant moi, c'est Ostarog du clan des
Pierres Blanches. Et c'est quoi ton histoire ? Ils n'ont jamais mis de
femelle à la roue. Pourquoi toi ?
— Peut-être parce que je leur ai
causé quelques soucis depuis qu'ils se sont attaqués à nous, peut-être
parce qu'une humaine me hait, peut-être parce que l'homme qu'elle
convoite s'intéresse à moi...
Cela faisait beaucoup de peut-être
et les explications qu'ils lui demandèrent leur fit passer le temps, ce
en quoi ils lui furent reconnaissants. D'autre part, la nature des « quelques soucis » qu'elle leur avait causés les laissèrent admiratifs.
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