Les cendres de Tirwendel - Chapitre LVIII

 

LVIII

— Je peux venir moi aussi ?
Rulna n'en crut pas ses oreilles :
— Quoi ?
Lak'Mor insista :
— Zol'Kor m'a vu avec Astaëlle. Il va me tuer si je reste ici. Je peux venir avec vous ?
Rulna jeta un coup d'œil vers Zol'Kor. Elle vit le mage, avec une énorme boule de feu dans la main, qui se tournait vers le chef de guerre et ses guerriers. Une explosion les souffla. Sans attendre d'en savoir plus, elle montra le tunnel :
— C'est bon, va-s'y ! Mais baisse la tête ! C'est fait pour les nains, pas pour les grands dadais !
À la pointe de l'île, Tilou lui fit signe, les elfes avaient embarqué. Elle s'engouffra alors à son tour dans le tunnel en jetant un dernier coup d'œil à Shack'Gan. Zol'Kor s'était déjà relevé et faisait signe à ses guerriers de se lancer à l'attaque.
Rulna courut derrière Lak'Mor et entendit rapidement les hurlements des trolls derrière elle. Peu avant la porte de la cité, elle s'arrêta et hurla :
— Dépêchez-vous !
Elle empoigna une torche, mit le feu aux mèches qui dépassaient de la paroi et se rua dans le tunnel.
L'explosion se produisit trop tôt, et son souffle, décuplé par l'espace confiné du tunnel la projeta en avant et la fit rouler au sol. Elle entendit le bruit sinistre du tunnel qui s'écroulait, mais, désorientée par sa chute, elle ne parvenait pas à se relever. Quelqu'un l'empoigna, la releva et la poussa en avant :
— Ne traînons pas ici !
Le bruit de l'éboulement se rapprochait dangereusement et à nouveau, elle fut projetée en avant par un nuage de poussières.
Elle se releva aussitôt :
— Il s'en est fallu de peu !
Comme personne ne lui répondit, elle s'inquiéta
— Alnard ?

Elle chercha à tâtons dans la poussière qui tardait à se dissiper, mais elle ne trouva qu'un tas de gravats là où elle espérait sentir le jeune homme. Elle hurla, se jeta à genoux et se mit à creuser à mains nues dans les décombres du tunnel. Seuls Lak'Mor, Delendir et Astaëlle l'entendirent. Ils revinrent sur leurs pas. La poussière se dissipa enfin et ils virent la naine qui creusait frénétiquement en appelant Alnard, la panique dans la voix. Comprenant ce qui s'était passé, Lak'Mor se mit à creuser avec elle.
Ils ne ménagèrent pas leurs efforts et parvinrent à trouver rapidement la main de Alnard et se démenèrent de plus belle pour dégager sa tête, ses épaules. Dès qu'ils le purent, ils le tirèrent délicatement pour le dégager complètement. Rulna le secoua gentiment, mais il ne réagit pas. Elle le secoua plus fort en l'appelant, des sanglots dans la voix, sans obtenir plus de réaction.
Avec douceur et compassion, Delendir posa une main sur l'épaule de la naine :
— Il ne respire plus. C'est fini.
Elle avait entendu, elle avait compris, mais elle ne pouvait accepter l'évidence. Elle secoua encore gentiment le jeune homme :
— Alnard ! S'il te plaît, reviens.
Elle posa ses mains sur la poitrine du jeune homme et laissa une grosse larme s'écraser sur sa chemise. Elle réalisa alors qu'elle sentait un battement :
— Son cœur bat encore ! Il ne respire plus, mais son cœur bat encore ! Allez Alnard, respire ! Respire !
Elle comprit que s'il ne respirait pas rapidement, tout serait fini. Elle enrageait, elle voulait le forcer à respirer, à coups de pieds s'il le fallait. Soudain, elle se pencha vers lui et souffla directement dans sa bouche. Elle recommença plusieurs fois, mais Alnard ne réagissait toujours pas. Delendir insista, désolé :
— Il est mort. C'est fini.
Elle se retourna et lui lança un regard assassin :
— Je t'interdis de dire ça ! Tu m'entends ! Je te l'interdis !
Elle souffla à nouveau. Astaëlle était émue aux larmes, pour ces créatures qui étaient censées être ses ennemis, qui avaient risqué leurs vies pour venir les aider et qui se battaient encore pour repousser la mort.

Soudain, Alnard toussa, il reprit son souffle bruyamment, toussa encore et encore. Il ouvrit enfin les yeux et vit Rulna penchée sur lui, les joues mouillées de larmes. Hagard, il regarda autour de lui et vit un troll et deux elfes qui semblaient heureux ensembles. Il ne comprit pas :
— On est tous morts, c'est ça ?
Lak'Mor lui répond dans un grand sourire :
— Rulna est une véritable magicienne. Elle a interdit à la mort de venir te chercher !
Alnard regarda la naine. Il lui sourit et il tendit la main vers son visage pour essuyer ses larmes :
— Tu es trop choupinette à t'inquiéter pour moi.
Elle répondit d'un air faussement outré :
— Arrête de dire des bêtises, cet éboulis a fait une quantité incroyable de poussière !

Lorsqu'ils se présentèrent à la seconde porte de Rorg Alren, Delendir marchait devant, Rulna soutenait Alnard et Lak'Mor fermait la marche en portant Astaëlle. Lorsqu'il vit ses compagnons d'arme placés en rang face à lui, flèches encochées sur les arcs, il leva les bras et les interpela :
— C'est moi, Delendir, je suis avec Rulna, Alnard, une blessée et un troll. Il n'est pas dangereux.
L'avertissement n'eut pas l'effet escompté. Lorsqu'ils entendirent le mot « troll », les archers bandèrent leurs arcs, prêts à décocher leurs traits mortels.
Delendir insista :
— Non ! Il n'est pas dangereux ! Il nous a aidés !
Rulna se présenta derrière lui :
— Je vous préviens que le premier qui tire une flèche aura affaire à moi !

Quelques archers hésitèrent avant de baisser leurs arcs, sous le regard courroucé de Raëlnor :
— C'est peut-être un piège ! Tenez-les en joue !
Lak'Mor apparut enfin, portant toujours Astaëlle dans ses bras. Constatant le danger, le jeune troll se tourna immédiatement pour faire rempart de son corps et protéger la jeune elfe. Astaëlle s'agita dans ses bras, lui murmurant :
— Je ne risque plus rien. C'est à mon tour de te protéger. Laisse-moi descendre.
Voyant qu'il hésitait, elle insista :
— S'il te plaît.
Il la déposa au sol avec une délicatesse qui surprit les elfes. Aussitôt qu'elle toucha terre, elle vint se placer entre le troll et les archers :
— Ne lui faites pas de mal ! Je serais encore là-bas sans lui !
Lak'Mor se retourna lentement pour leur faire face, en leur présentant ses mains vides.
En sécurité derrière les archers, Naëwen put enfin voir distinctement le visage du jeune guerrier. Elle fit alors le tour des elfes abasourdis et s'avança sans crainte jusqu'au troll :
— Lak'Mor ! Quelle surprise !
Il fallut plusieurs secondes à Raëlnor, sidéré par ce qu'il venait de voir, pour enfin réagir :
— Vous... Vous connaissez ce troll ?

 

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