Les cendres de Tirwendel - Chapitre LIX

 

LIX

Comme si le temps s'était dilaté, Shack'Gan vit un éclair de lumière aveuglante avant d'être projeté en arrière par un souffle puissant. Il eut le temps d'entendre le bruit terrible de l'explosion, avant que tout ne s'accélère. Il chuta lourdement sur le sol graveleux avant de rouler quelques mètres plus loin, surpris de ne percevoir aucune douleur. Lorsqu'il voulut se relever pourtant, il ne put que péniblement se mettre à genoux, en appuis sur ses mains. Quelques trolls s'approchèrent, et l'un d'eux, couvert de poussière et de plaies superficielles, faisait de grands gestes, visiblement énervé. Il semblait vouloir parler, car ses lèvres bougeaient, mais Shack'Gan ne l'entendait pas. Il réalisa seulement à cet instant qu'un sifflement strident et désagréable couvrait tous les sons. Sa vue était brouillée, mais il finit par reconnaître Zol'Kor. Il lui montra ses oreilles :
— Je ne t'entends pas !
Agacé, le chef de guerre le laissa sur place et courut avec ses guerriers vers l'entrée du tunnel. Sans savoir pourquoi, le mage tenta de leur crier :
— N'y allez pas ! C'est dangereux !
Zol'Kor se retourna, lui fit un signe, comme s'il lui posait une question. Shack'Gan ne put comprendre. Agacé, le chef de guerre s'engouffra dans l'étroite ouverture, à la suite de ses guerriers.

Shack'Gan se redressa et fit un pas vers le tunnel avant de s'écrouler, terrassé par une douleur vive à la cuisse. Il inspecta sa blessure, d'où il retira un éclat de terre cuite, se demandant de quel genre de pierre il s'agissait. Il éluda la question, se releva et se dirigea en claudiquant vers le tunnel. Lorsqu'il n'en fut plus qu'à quelques mètres, il entendit une explosion et sentit le sol trembler sous ses pieds. Il eut juste le temps de s'écarter de d'ouverture avant qu'un nuage de poussières et de fumée n'en jaillisse. Il attendit que le nuage se dissipe pour se pencher vers l'entrée et appeler :
— Eh oh ! Vous m'entendez ?
Comme il n'obtenait aucune réponse, il s'engagea dans l'étroite ouverture. N'y voyant pas à plus de trois pas, il invoqua une petite boule de feu dont il se servit pour s'éclairer. Plus il avançait, plus il avait de peine à respirer, tant l'air était chargé de poussière. Il se tourna alors vers la sortie et invoqua le vent pour chasser l'air vicié en dehors du tunnel, puis il reprit sa progression. Après quelques mètres, il découvrit un guerrier étendu sur le sol. Il s'agenouilla pour l'examiner et constata qu'il respirait. Il le secoua doucement, et le blessé réagit. Le guerrier porta une main à sa tempe en grimaçant. Shack'Gan l'aida à s'asseoir :
— Tu m'entends ?
Le guerrier ne réagit pas. Le mage porta sa main à son oreille :
— Tu m'entends ?
Le blessé semblait surpris et lui fit non de la tête. Shack'Gan lui montra la sortie, de la main, lui fit signe de partir. Le guerrier obtempéra, se releva péniblement et commença à regagner la sortie en titubant.

Le mage poursuivit son chemin et découvrit bientôt six trolls qui venaient vers lui. Quatre d'entre eux saignaient des oreilles, et le cinquième, à priori plus en forme que les autres, soutenait le sixième qui respirait difficilement et toussait en crachant du sang. Impuissant à leur proposer des soins, Shack'Gan soulagea leurs douleurs en invoquant une douce chaleur bienfaisante et apaisante dans ses mains, avant de les apposer sur les têtes et les thorax des blessés. Enfin, il souffla à nouveau les poussières vers la sortie pour faciliter leur progression.

Un peu plus loin encore, il découvrit un amas de terre et de pierres qui lui barrait le chemin. Une nouvelle fois, il souffla les poussières vers la sortie pour y voir mieux. À quelques mètres de la fin du tunnel, quelques masses aux formes familières jonchaient le sol. Après quelques secondes d'observation, Shack'Gan réalisa qu'il s'agissait de guerriers. Ils étaient tournés vers la sortie, ce qui laissait à penser qu'ils avaient survécu à l'explosion et avaient tenté d'échapper à l'écroulement du tunnel. Le mage s'agenouilla près d'eux et les secoua doucement pour les réveiller. L'un d'eux se redressa avant que Shack'Gan ne puisse l'atteindre. Il secoua la poussière qui le recouvrait, toussa quelques secondes avant de pousser un hurlement de rage. Le mage reconnu alors Zol'Kor.
Le chef de guerre avait survécu, et Shack'Gan se surprit à en éprouver de la déception. Il l'aida néanmoins à se relever et à regagner la surface en claudiquant.

De retour à l'air libre, Shack'Gan prit le temps d'observer le camp. Tout semblait détruit, comme si un énorme poing s'était écrasé sur les bâtiments, les tentes et l'enclos. Çà et là gisaient de nombreux cadavres, certains, tués par des flèches, d'autres, plus nombreux, semblaient broyés ou disloqués. Jamais aucun troll n'avait vécu un tel désastre.
Shack'Gan s'aperçut que les valides regroupaient les blessés près de la seule cabane qui paraissait encore tenir debout. Il décida donc d'y conduire Zol'Kor.
Tark'Olg traversa tout le camp pour venir les rejoindre. Négligeant le chef de guerre, il s'adressa directement au mage :
— Tu es un mage, maître du feu ?
Shack'Gan ne s'attendait pas à cette question :
— Entre autre, oui.
— Est-ce que tu connais la magie qu'ont utilisée les elfes ?
Le mage prit quelques secondes pour réfléchir avant de répondre :
— Non. Ce n'est pas de la magie. Du moins, pas le genre de magie basée sur les énergies, comme celle que nous utilisons. Ce serait plus une magie basée sur la matière.
Il fouilla le sol du regard avant de se pencher pour ramasser un morceau de terre cuite qu'il montra à Tark'Olg :
—Regarde. As-tu déjà vu ce genre de pierre ?
Il lui montra la hache que portait encore Zol'Kor :
— Et cette chose-là. Elle n'est pas en pierre. Je n'ai jamais rien vu de tel. Nous avons affaire à des mages de la matière.
Tark'Olg semblait dubitatif :
— Mais nous n'avons jamais rencontré des elfes capables de ça.
Zol'Kor comprit :
— Ça ne vient pas des elfes. Ça vient des humains ! Nous aurions dû les massacrer quand nous en avons eu l'occasion !
Shack'Gan n'était pas de cet avis :
— Nous aurions mieux fait de les laisser en paix comme je te l'avais dit !
Zol'Kor lui lança un regard noir dont il ne tint pas compte :
— Pour autant que nous le sachions, seuls deux ou trois d'entre eux sont venus jusqu'ici. Ils sont venus parce que nous les avons attaqués. Et tu n'as pas oublié comment ils nous ont vaincus ce jour-là, monté sur ces animaux si puissants et si rapides ! Et Gal'Tor t'a bien parlé de ces choses qui avancent toutes seules en crachant d'épais nuages noirs.
Le chef ne comprenait pas de quoi il parlait :
— D'autres animaux ?
— Non. Des choses faites de la même matière que ça !
Shack'Gan lui montra la hache.
— Ces humains sont aussi faibles que les elfes, mais leur maîtrise de la matière les rend bien plus puissants que nous.
Après un long et pesant silence, Tark'Olg finit par demander :
— Et maintenant ? On fait quoi ? Je dois retrouver les prisonniers !
Zol'Kor s'énerva :
— On va retourner toute cette maudite forêt jusqu'à ce qu'on les retrouve ! Les prisonniers, les elfes, les humains et ce traître de Lak'Mor !

 

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