Litak du clan de la Forêt Sombre - Chapitres LXI, LXII et LXIII

 

LXI

Trogak et Grabog avaient enfoncé la porte métallique en utilisant un banc comme bélier. Ils s'étaient retrouvés dans une pièce bien étrange aux yeux d'un orque. Une série d'engrenages et de courroies partait d'un axe vertical remontant vers la surface et se terminait à l'intérieur d'une énorme bobine d'un métal orangé que Grabog identifia comme du cuivre. Leur mission était de détruire cette machine, alors ils commencèrent par abattre leur hache sur tout ce qui était en bois, des axes, des engrenages, jusqu'aux panneaux supportant tous les interrupteurs. Ils arrachèrent tous les câbles de leurs gaines et ils entassèrent le tout contre la bobine de cuivre, afin d'y mettre le feu. Ils savaient que leurs haches ne viendraient pas à bout du métal, mais un feu assez puissant pourrait faire fondre le cuivre et endommager irrémédiablement ce mécanisme. Le bois présent dans cette pièce ne suffirait probablement pas à atteindre leur objectif, ils se mirent donc à la recherche de tout ce qu'ils pourraient trouver pour alimenter ce feu. Ils jugèrent que les portes en bois seraient un bon début et ils commencèrent à ouvrir les premières qu'ils trouvèrent dans un couloir adjacent.

Ce qu'ils trouvèrent derrière ces portes les révolta au plus haut point.

 

LXII

Sharle ouvrit la porte et se retrouva enfin face à Bénobog. Le vieil orque était enchaîné au mur depuis si longtemps que ses poignets et ses chevilles portaient les cicatrices des blessures infligées par ses entraves. Il était extrêmement pâle et amaigri et pourtant, il émanait de lui une étrange sérénité.
Sharle de Valfond ! Je suis heureux de te rencontrer enfin. Tu sembles être un homme étrange. Aélania m'a beaucoup parlé de toi. Comment va-t-elle ?
Litak est très affaiblie, mais elle n'est pas blessée.
Sharle fit un signe à Orkrag, qui brisa les chaines avec sa hache. Bénobog le remercia, puis se tourna vers le Général :
Ce qu'elle a accompli depuis qu'elle est ici est extraordinaire, mais elle a progressé si vite dans ses capacités que son corps n'a pas eu le temps de s'adapter. Il me tarde de la rencontrer enfin, mais avant cela, nous avons encore une chose à faire.
Sharle regarda le chaman d'un air interrogatif.
Il y a encore de nombreux orques à délivrer.
La détermination qu'il lut dans le regard de Sharle apaisa les doutes qu'il avait encore à son égard.
Montre-moi le chemin.

 

LXIII 

Lorsqu'ils ouvrirent la première porte, ils débouchèrent sur une salle basse, d'environ dix pas sur vingt. Des mères et des filles, en âge d'être unies, étaient enchaînées aux murs. Elles portaient les cicatrices des mauvais traitements qui leur avaient étés infligés. Certaines étaient sur le point de donner la vie, les autres semblaient attendre un enfant d'ici à quelques mois.
Durant un bref instant, Trogak et Grabog restèrent interdits devant ce spectacle. Puis Grabog commença à briser les chaînes qui retenaient les malheureuses prisonnières :

Venez ! Nous allons vous sortir de là !

Ils sortirent dans le couloir et se trouvèrent face à cinq hommes qui traînaient avec eux deux jeunes orques de toute beauté. Passé l'instant de surprise, l'un des hommes se cacha derrière sa captive, dégaina un poignard qu'il pressa contre la gorge de la malheureuse.
Au moindre geste, je la tue !
Trogak arrêta Grabog. La jeune orque était paniquée. Il voulut la rassurer :

Je suis Trogak, soldat de Valfond et si je ne me trompe pas, tu es Siléa du clan de la Forêt Sombre.
Oui.

Le rafleur commençait à s'énerver :
Laissez-nous passer où elle est morte !
Trogak regarda l'homme droit dans les yeux et prit son air le plus menaçant :
Vas-y, ne te gêne pas, nous ne sommes pas de son clan. On n'en a rien à faire d'elle, par contre, toi, si tu ne la relâches pas, tu es mort.
N'en crois pas un mot !
L'homme ne se laissa pas démonter :
Nous sommes cinq, vous n'êtes que deux, vous ne nous faites pas peur.
Trogak éclata de rire. Malgré sa fanfaronnade, il percevait chez cet homme la panique monter. Il se tourna vers Grabog :

Combien ils étaient ces rafleurs qu'on a éliminé tous les deux la dernière fois ?
Je ne sais plus, dix ou douze, je n'ai pas pris le temps de compter.
Il se tourna vers l'homme en s'approchant lentement, imperceptiblement.

Tu vois, ce n'est pas un petit gringalet comme toi qui va m'impressionner.
L'homme commit alors une erreur. Il pointa son poignard vers Trogak :
Je te ferai ravaler ta langue, espèce de lézard !
Baisse-toi tout de suite !

Siléa obtempéra et Trogak fit un large mouvement horizontal avec sa hache et la tête du rafleur tomba au sol. Durant quelques secondes qui semblèrent interminables à Siléa, le corps décapité resta debout, puis il s'écroula, répandant son sang sur le sol à gros jets poisseux. Constatant le sort de leur camarade, les quatre autres rafleurs poussèrent l'autre captive vers Trogak et s'enfuirent aussi vite qu'ils le purent. Grabog s'apprêtait à les poursuivre, mais son compagnon l'arrêta.
Non ! Nous ne savons pas où ils vont, ni s'il reste des rafleurs dans le coin.
Il désigna celles qu'ils venaient de libérer :
Nous devons rester ici et les protéger. Et puis, nous avions ordre de détruire la machine.
Ils prièrent donc les anciennes captives de se regrouper dans l'une des cellules pendant qu'ils arrachaient les portes pour les entasser dans la salle de la machine. Ce faisant, ils libérèrent encore une dizaine de jeunes orques. Puis, ils ouvrirent une dernière cellule et un orque se jeta sur eux, avec l'intention manifeste de les attaquer. Une lourde chaîne le retenait dans la cellule, mais il avait la possibilité de se déplacer partout à l'intérieur. Trogak tenta de communiquer avec lui, sans succès.

Une future mère s'approcha des deux soldats :
C'est plus un animal qu'un orque. Les plus anciennes nous ont raconté que les rafleurs l'ont à ce point maltraité qu'il en a perdu la raison.
Pourquoi l'ont-ils gardé en vie ?
Elle baissa les yeux et se mit à pleurer.
Il leur sert de mâle reproducteur.

Trogak comprit en un instant ce qu'avaient subi ces jeunes orques et il en eut la nausée. Grabog referma cette porte et regretta de l'avoir ouverte, mais il aurait de toute façon connu un jour la vérité sur cet endroit. Ils raccompagnèrent la future mère vers la cellule de regroupement et Trogak transporta les portes arrachées vers la salle de la machine. Là, rempli de colère et pris d'une envie folle de détruire, il réduisit consciencieusement les portes en petit bois.

La fatigue le calma, mais la colère grondait toujours en lui.
Il sentit une présence derrière lui et se retourna, prêt à frapper. Il se figea dans sa position d'attaque. Siléa était venue le rejoindre, percevant la rage teintée de tristesse qui couvait en lui. En l'apercevant, il eut l'impression surprenante qu'elle seule serait en mesure de le calmer. Il baissa doucement son arme.

Pardonne-moi, je ne voulais pas t'effrayer.
Je n'ai rien à te pardonner, mais je dois te remercier. Je n'ose pas imaginer ce qu'ils m'auraient fait si tu n'étais pas intervenu.
Le puissant guerrier semblait complètement à la merci de la belle jeune fille qui se tenait devant lui. Il ne savait trop quoi répondre.
Je n'ai fait que mon devoir.

Elle s'approcha, surprise par son audace et lui prit les mains.
Tu n'étais pas obligé de me sauver, ton ami m'a dit que vos ordres étaient de détruire la machine. Tu aurais pu les laisser fuir en nous emmenant avec eux.
Non, ton père ne m'aurait jamais pardonné et je m'en serais voulu toute ma vie.

Surprise par ces paroles, elle réalisa qu'il était venu avec les guerriers du clan.
Mais comment savais-tu que j'étais Siléa ?
Je faisais partie du détachement qui était venu vous rendre visite avec le seigneur Jehan.

Il hésita un peu.
Je me souviens parfaitement de toi, mais je crois que tu ne m'as jamais remarqué ce jour-là.
Elle lui sourit.
Et j'en suis bien désolée. Mais rassure-toi, aujourd'hui, je t'ai remarqué.
Il sourit enfin et maintenant, il savait qu'elle avait fait bien plus que de calmer sa colère.

 

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