Les cendres de Tirwendel - Chapitre LXV
LXV
La nuit était tombée
depuis longtemps, mais Shack'Gan ne parvenait pas à trouver le sommeil.
Il savait que Zol'Kor ferait tuer quiconque sortirait des tunnels qu'ils
avaient déjà trouvés, ce qui obligerait les elfes à utiliser d'autres
passages qui finiraient, eux aussi, par être découverts. À terme, les
elfes étaient condamnés à mourir de faim ou à se rendre, ce qui revenait
au même. Lak'Mor, Lamaën et Astaëlle, il les connaissait, les
appréciait et ne pouvait en aucun cas les considérer comme des ennemis.
Les deux humains et la naine l'intriguaient aussi, et bien qu'il ne les
ait jamais réellement rencontrés, il savait qu'il ne pourrait jamais les
tuer. Quant à cette mystérieuse Naëwen, il ne comprenait toujours pas
les raisons de l'acharnement de Zol'Kor pour la retrouver, et son sort
l'indifférait quelque peu, bien qu'il ne voie aucune nécessité de la
tuer. Néanmoins, Lamaën la connaissait et les liens de confiance qu'il
avait établis avec la petite elfe lui interdisaient de lui faire le
moindre mal.
Il avait beau chercher un moyen de leur venir en aide,
Zol'Kor ne lui laissait aucune marge de manœuvre et le faisait
surveiller en permanence. Alors, chaque fois qu'il en avait la
possibilité, il s'installait confortablement, se concentrait sur sa
respiration et tentait d'entrer en communication avec Lamaën. Mais il
était loin d'avoir les capacités de la petite elfe et parvenait
uniquement à percevoir sa présence, sans pour autant être certain que
cela ne soit pas le seul fruit de son imagination.
Une
soudaine agitation perturba sa concentration. Il ouvrit les yeux et se
releva, surpris de se sentir désorienté. Il secoua la tête, se redressa
et se tourna vers l'origine de tout ce bruit. Un guerrier de Tark'Olg
venait d'arriver sur l'île, visiblement agité. Des guerriers
l'entouraient déjà, fortement intéressés par ce qu'il avait à dire. Le
mage se dirigea vers l'attroupement avant d'apercevoir Zol'Kor qui
approchait lui aussi rapidement. Les guerriers s'écartèrent pour le
laisser passer :
— Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qui justifie que tu aies abandonné ta patrouille ?
Le guerrier sembla soudain moins sûr de lui :
— C'est que de là où nous sommes positionnés, nous avons l'impression
qu'il y a de l'activité sur le fleuve. Alors, je suis venu rapporter
l'information.
Zol'Kor se fit encore plus imposant :
— J'espère que le reste de ta patrouille est allé voir de plus près de quoi il s'agissait !
Le guerrier se recula légèrement et lâcha dans un filet de voix :
— On pense que des elfes essaient de traverser le fleuve... Mais nous ne sommes que cinq, c'est trop peu pour intervenir seuls.
Zol'Kor explosa :
— Espèce de lâches, bande d'incapables ! Il fallait les arrêter !
Il se tourna vers ses guerriers et leva bien haut sa masse de combat :
— Nous allons montrer à ces pleutres comment on extermine la vermine !
Les trolls répondirent en chœur par un cri de victoire, et le guerrier de Tark'Olg se décomposa sur place :
— Mais ils sont sous la responsabilité de Tark'Olg. Il faut les capturer vivant.
Zol'Kor lui répondit sur un ton glaçant :
— Il n'avait qu'à ne pas les égarer !
Puis, il tendit le poing vers le pont et ses guerriers le suivirent
sans la moindre hésitation. Shack'Gan leur emboîta le pas, mais le
guerrier de Tark'Olg le retint par le bras :
— Il ne faut pas qu'il tue les enfants elfes. Ort'Kan nous les a confiés. Nous sommes tous morts s'il les tue.
Le mage observa Zol'Kor, froid, déterminé, implacable :
— Je ne peux malheureusement rien te promettre.
Le chef de guerre se tourna vers eux :
— Tu attends quoi pour nous montrer le chemin ? Qu'ils soient tous de l'autre côté ?
Ils
progressèrent au pas de course et arrivèrent rapidement à l'emplacement
de la patrouille. Pendant que Zol'Kor demandait des précisions sur ce
qui se passait. Shack'Gan scruta le fleuve et devina plusieurs masses
sombres qui s'approchaient de la berge. Il distingua avec difficulté six
elfes qui attrapèrent les masses et vinrent les tirer sur le rivage.
Aussitôt, des petites silhouettes se glissèrent silencieusement sur les
radeaux. Zol'Kor fit un signe pour attirer l'attention :
— Vous pouvez tous les tuer. Mais laissez-moi cette Naëwen. Je la veux vivante.
Le chef de la patrouille demanda alors :
— Comment on la reconnaît cette Naëwen ? Nous ne l'avons jamais vue.
Le chef de guerre le foudroya du regard :
— Encore un esprit faible qui se laisse corrompre par un sorcier elfe !
Shack'Gan
ne comprit pas pourquoi il avait dit cela. Il était certain que Lamaën
ne s'était jamais présentée à lui comme une murmureuse, et rien de ce
qu'il savait de Naëwen ne laissait à croire qu'elle en fut une...
Zol'Kor
se leva et tendit péremptoirement son bras vers le fleuve. Aussitôt,
les guerriers se dirigèrent en silence vers le fleuve. Shack'Gan ferma
alors les yeux et se concentra sur l'image de Lamaën.
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